À la suite des multiples réformes successives de ces derniers temps, il est évident que les petites communes, dans lesquelles le maire est la cheville ouvrière du fonctionnement des institutions locales, se trouvent démunies devant l'inflation des textes nationaux qui leur sont applicables, notamment dans le domaine funéraire.
Chère Madame,

Fervent adepte du journal télévisé de 13 h diffusé sur TF1, j’ai vu, le 17 juin 2011, un reportage consacré aux difficultés rencontrées par les maires des petites communes de France, face à la complexité des législations et réglementation qui régissent les activités communales et qui évoluent sans cesse.

Ce reportage a été illustré par votre pertinente intervention, qui a permis à des millions de téléspectateurs de connaître les emplois du temps des maires des communes rurales, et des besoins d’information face à l’intervention, quasiment journalière de lois et règlements soit adoptés par le Parlement, soit émanant du Premier ministre pour les décrets, et des ministres pour les arrêtés.

Pour illustrer vos propos, vous avez mis en exergue la législation funéraire, dont l’évolution accélérée depuis les lois des 8 janv. 1993 et 19 déc. 2008, a donné lieu à une multitude de décrets ou arrêtés, dont le dernier en date du 28 janv. 2011, qui a battu en brèche les pouvoirs conférés aux maires en matière d’opérations funéraires.

Sachez qu’en tant qu’ancien cadre de la ville de Marseille, directeur général des opérations funéraires, mais aussi avocat au barreau de Marseille, je partage votre point de vue, car contrairement aux louanges émises par les professionnels du monde funéraire, après l’intervention du décret du 28 janv. 2011, j’ai ressenti le besoin d’exprimer un avis dissonant, en faisant valoir les complexités nouvelles imposées aux édiles locaux, hélas sous-représentés au sein du Conseil National des Opérations Funéraires (CNOF), qui avait émis un avis favorable, après consultation à la demande du gouvernement.

Loin de me faire le porte-parole des thuriféraires du service public, pour qui il ne peut exister de mission de service public, car telle est désormais la qualification attribuée au service extérieur des pompes funèbres par la loi du 8 janv. 1993, sans contrôle des autorités publiques, alors que cette loi, tout comme celle précitée du 19 déc. 2008, a largement atténué l’intervention traditionnelle des maires, le décret du 28 janv. 2011 a, quasiment, sonné le glas des pouvoirs conférés aux responsables communaux en matière d’organisation des opérations consécutives au décès, en supprimant pour l’essentiel des interventions des opérateurs funéraires, le régime des autorisations municipales pour lui substituer celui, moins contraignant en droit public, de la déclaration.

Devant ce dédale de réformes successives, il est compréhensible que les communes dotées de peu de moyens en ressources humaines et dans lesquelles le maire est la cheville ouvrière du fonctionnement des institutions locales, soient démunies devant l’inflation des textes nationaux qui leur sont applicables, alors que parallèlement, le domaine funéraire ne constitue pas pour elles, le menu quotidien de leurs interventions.

Je fais ici référence aux quelques communes françaises de moins de 1 000 habitants, dont le nombre est estimé à 24 000 environ, qui se trouvent placées devant une situation analogue à la vôtre, et qui, avec des moyens particulièrement réduits, doivent faire face aux complexités du cadre juridique qui les régit.

Droit social, droit de l’urbanisme et de la construction, élaboration des POS ou PLU, exercice des pouvoirs de police, dont le maintien de l’ordre et de la sécurité publique, la protection de l’hygiène et la salubrité publique, immeubles menaçant ruine, éducation nationale et aménagement des groupes scolaires, restauration scolaire, tiers temps pédagogique, centre de loisirs sans hébergement, politique en faveur des personnes âgées, distribution de l’eau et mise en place de réseaux d’assainissement, aménagement et entretien de la voirie, animations festives, tenue des registres d’état civil, célébration des mariages, mise en forme des décisions budgétaires, leur exécution, gestion des personnels avec pour obligation de respecter le statut de la fonction publique territoriale (loi du 26 janv. 1984, modifiée), leur rémunération sont, parmi tant d’autres, des préoccupations qui nécessitent compétence et dévouement, étant entendu que cette énumération n’a pas la prétention d’être exhaustive.

Si pour autant, la législation funéraire vous apparaît complexe et trop évolutive, opinion que je partage pleinement, car elle est le fait de quelques spécialistes en France, qu’ils soient parlementaires ou technocrates, sachez que quelques juristes tentent depuis plusieurs années d’éclairer les professionnels sur les aspects et les modalités, des réformes intervenues.

Certes, ces experts qui s’expriment soit dans des ouvrages de législation et réglementation funéraire, comme je l’ai fait en tant que coauteur du "Traité de Législation et Réglementation Funéraire", publié aux éditions Résonance, ou dans des revues spécialisées, dont en particulier "Résonance", "Funéraire Magazine", voire dans les publications destinées aux communes ou aux maires, comme la "Gazette des Communes" ou le "Journal des Maires", ont une réflexion généralement axée, principalement, vers la satisfaction des attentes des opérateurs funéraires, et utilisent un vocabulaire compréhensible par eux.
De ce fait, les maires et leurs municipalités, inondés par des propositions d’abonnement à des publications qu’ils n’ont pas le temps, ni le loisir de consulter, ou encore le droit funéraire qui n’est pas au nombre des matières enseignées dans les facultés, et qui peut de ce fait leur apparaître comme essentiellement périphérique ou secondaire.

C’est pourquoi, une fois de plus, je tenais à vous assurer de toute ma compréhension et de ma profonde solidarité.

Pour illustrer cet engagement, je vous soumets une synthèse des principales modifications introduites dans le droit positif des communes par le décret du 28 janv. 2011, fondateur d’une réforme, parfois mal comprise par les maires, dès lors qu’elle a modifié profondément l’exercice de leurs prérogatives de puissance publique, dont principalement la maîtrise des autorisations municipales consécutives au décès de l’un de leurs administrés.

Les principales modifications apportées par le décret du 28 janvier 2011.
L’innovation principale est la suppression du régime des autorisations municipales pour la réalisation des opérations funéraires suivantes, et la substitution par un régime, moins contraignant de déclaration :
- Soins de conservation des corps, transport des corps avant mise en bière, transport des corps après mise en bière sur le territoire métropolitain ou des départements d’outre-mer, les moulages, les transports des corps vers des établissements de santé, de formation, d’enseignement ou de recherche, les transports de corps vers un établissement de santé, pour la réalisation de prélèvements à des fins thérapeutiques.

En revanche, l’autorisation du maire de la commune du lieu de décès ou de la fermeture du cercueil est maintenue et celle du maire du lieu de dépôt, pour le dépôt temporaire de corps dans un édifice cultuel, une chambre funéraire, au crématorium, à la résidence du défunt ou celle d’un membre de sa famille, ou dans un caveau provisoire.

- Autre innovation : le dépôt temporaire ne peut excéder six mois (antérieurement délai non précisé).

- En ce qui concerne les transports des corps avant mise en bière, le délai dans lequel ce transport doit être achevé est désormais de 48 h au total.

Le décret supprime donc l’option de l’allongement du délai ancien de 24 h jusqu’à 48 h, en cas de réalisation de soins de conservation.

Par ailleurs, ce décret ne limite plus le nombre des transports de corps avant mise en bière susceptibles d’être effectués pendant le délai de 48 h.

- À la notion de maladies contagieuses le décret substitue celle d’infections transmissibles, dont la liste devrait être donnée dans un arrêté du ministère de la Santé à intervenir.
- Pour l’admission du corps en chambre funéraire, aux trois anciens cas antérieurement en vigueur, ( rappel : sur la demande de toute personne habilitée à pourvoir aux funérailles, de la personne chez qui le décès s’est produit, ou du directeur ou responsable d’un établissement de santé public ou privé n’étant pas tenu de disposer d’une chambre mortuaire), s’ajoute un quatrième cas : sur la demande du directeur de l’établissement social ou médico-social public ou privé.

En ce qui concerne les délais d’expression de la demande, le décret du 28 janv. 2011, innove également sur deux points : le délai à partir duquel la personne chez qui le décès s’est produit peut solliciter le transfert du corps vers une chambre funéraire à la condition qu’elle atteste par écrit qu’il lui a été impossible de retrouver ou de joindre durant un délai de 12 h, à compter du décès, l’une des personnes ayant qualité pour pourvoir aux funérailles (auparavant les textes n’imposaient aucun délai).

Pour les directeurs d’établissements sociaux ou médico-sociaux, le délai octroyé est identique à celui des directeurs d’établissements de santé publics ou privés qui ne sont pas tenus de disposer d’une chambre mortuaire, soit 10 h pour attester par écrit qu’il leur a été impossible de retrouver ou de joindre durant ce délai de dix heures, à compter du décès, l’une des personnes ayant qualité pour pourvoir aux funérailles.

- Pour le transport des corps dans une chambre funéraire des personnes décédées sur la voie publique ou dans un autre lieu ouvert au public, l’admission du corps en chambre funéraire est requise par les autorités de police ou de gendarmerie.

- La fermeture du cercueil : la première modification porte sur la production du certificat de décès . Celui-ci est désormais établi par le médecin ayant constaté le décès, et plus par le médecin chargé par l’officier d’état civil de s’assurer du décès, pratique imposée par le Code civil de 1804 mais qui, à l’exception de la ville de Paris, n’avait jamais été mise en œuvre sur le territoire français.

- Le couvercle du cercueil : il doit désormais être muni d’une plaque gravée indiquant l’année de décès et, s’ils sont connus, l’année de naissance, le prénom, le nom patronymique du défunt et, s’il y a lieu, le nom marital.
- Les pouvoirs du maire pour décider de la mise en bière immédiate : autrefois attribués à l’officier d’état civil, ces pouvoirs sont transférés au maire de la commune du lieu de décès.

Cette distinction intéresse particulièrement les trois communes dotées d’un statut spécial depuis la loi du 31 déc. 1982, modifiée, dite loi PLM (Paris, Lyon, Marseille), qui a attribué aux maires d’arrondissement la qualité d’officier d’état civil, alors que le maire de la commune conservait la plénitude des pouvoirs de réglementation et de police municipale.

- Pour les transports des corps, à l’étranger : le décret a substitué à la notion "étranger ou dans un territoire d’outre-mer", les qualifications "dans les collectivités d’outre-mer, en Nouvelle-Calédonie ou à l’étranger".
- Pour les dépôts temporaires des corps, excédant six jours, nécessitant l’utilisation d’un cercueil hermétique : la notion de dépositoire anciennement utilisée disparaît du corps de l’article R. 2213-26 du CGCT.

Pour la législation applicable aux cimetières :
- La notion de commune urbaine est mieux précisée.
- Le rôle de l’hydrogéologue est plus affirmé.
- Le conseil municipal peut (il ne s’agit donc pas d’une obligation), décider l’affectation de tout ou partie d’un cimetière au dépôt ou à l’inhumation des urnes et à la dispersion des cendres ayant fait l’objet d’une crémation.
- Pour la constatation de l’état d’abandon des concessions dans les cimetières communaux, situés dans les villes placées sous le statut de la police nationale, la présence du commissaire de police n’est plus requise : il est remplacé par un fonctionnaire de police délégué par le chef de circonscription pour les communes où cette police est étatisée, et dans les autres par un garde champêtre ou un agent de police municipale.

Telles sont donc les principales considérations, dont je souhaitais vous faire part.

Vous assurant de toute ma compréhension et de mon total dévouement désintéressé, je vous prie de croire, Madame le Maire, en l’assurance de ma considération distinguée.

Jean-Pierre Tricon

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations