Fréquemment réalisée par les communes, la rétrocession d’une concession funéraire s’avère une opération répondant à de strictes conditions.

 

Contrat portant occupation du domaine public, la concession funéraire s’analyse comme un contrat administratif, mais se différencie des autres contrats portant occupation du domaine public en ceci que ce contrat n’est ni précaire ni révocable (CE, Ass., 21 oct. 1955, Demoiselle Méline, Rec. CE p. 491). Comme l’a rappelé le ministre de l’Intérieur (Rép. min. 26311, JOAN Q 24 mai 1999 p. 3174), pour mettre fin à ce contrat, la commune ne dispose que du droit de reprise. Ce droit de reprise va s’exercer :
- soit pour non-renouvellement (applicable pour les concessions à durée déterminée à l’issue des deux années qui suivent l’arrivée à échéance de la concession) ;
- soit pour abandon (dès lors que la dernière inhumation pratiquée dans la concession date de plus de dix années, que la concession a plus de trente ans et que ses titulaires ne l’entretiennent plus [sous réserve du respect d’une procédure particulièrement longue - trois ans et demi - et formaliste]).

Reste cependant que les communes sont parfois sollicitées par certains titulaires de concessions qui souhaitent se voir rembourser la concession. Cette hypothèse se rencontrera en pratique dans le cas d’un déménagement. Ainsi, par exemple, un couple a fait l’acquisition d’une concession funéraire dans le cimetière de la commune où il est domicilié, et, suite à un départ en retraite suivi d’un déménagement, alors que la concession n’a toujours pas été utilisée, souhaite abandonner cette concession puisqu’il envisage d’acquérir une nouvelle concession dans le cimetière de la commune de son nouveau domicile. Dans ce cas, il proposera à la commune de lui revendre la concession.
Quelle doit être l’attitude d’une commune destinataire d’une telle proposition ?

La commune n’est jamais tenue d’accepter…

Au préalable, il est indispensable de rappeler que la commune n’est jamais dans l’obligation d’accepter l’offre faite par les concessionnaires. En effet, comme tout contrat (à l’exception des procédures de reprise évoquées ci-dessus ou de l’hypothèse d’une translation du cimetière), la modification des obligations contractuelles de chaque partie à la convention implique logiquement l’accord des deux parties.

La commune a, par l’acte de concession, attribué une parcelle sur laquelle les concessionnaires peuvent fonder leur sépulture et celle de leurs enfants ou successeurs. Elle a ainsi rempli ses obligations, dès lors qu’elle en assure à ces derniers la paisible jouissance.


L’absence d’obligation pour la commune d’accepter la rétrocession de la concession - c’est-à-dire le retour de la concession moyennant remboursement aux titulaires d’une partie du prix payé - ne signifie cependant pas que la commune ne peut l’accepter. D’autant plus que, bien souvent, elle aura intérêt à favoriser ce retour. Il est possible d’admettre que la commune aura parfois intérêt à accepter la rétrocession plutôt que considérer que l’inaction produira de toute façon le même effet, c’est-à-dire le retour de la concession.

Reste cependant à préciser que si la commune accepte la rétrocession, celle-ci est tout de même soumise à certaines conditions.

… une rétrocession soumise à des conditions préalables…

Il importe tout d’abord, dans l’hypothèse où la concession appartient à plusieurs titulaires, que l’ensemble des concessionnaires ait exprimé leur accord à cette opération. Ainsi, si la concession est au nom de deux conjoints, l’accord des deux va effectivement s’imposer. Toutefois, il est possible de relever qu’il a été admis que l’un des membres de l’indivision pouvait renoncer à ses droits au profit des autres. En effet, la Cour de cassation est venue préciser que : "si le droit à la sépulture est hors du commerce, aucune disposition légale n’interdit au bénéficiaire de ce droit d’y renoncer au profit des autres membres de la famille" (Cass. 1ière civ. 17 mai 1993 : Bull. civ. I, n° 183 p. 125). Ainsi, l’opération peut intervenir en deux temps ; l’un des concessionnaires notifie à la commune qu’il a renoncé à ses droits au profit de l’autre titulaire, puis celui-ci va solliciter la rétrocession (mais ces deux concessionnaires sont les cofondateurs de la sépulture ; voir infra).

Il importe de surcroît d’insister sur le fait que si la rétrocession est admise en pratique, elle n’est utilisable que pour les concessions où aucune inhumation n’a été pratiquée (dès lors qu’une inhumation a été pratiquée, la commune, pour reprendre le terrain devra utiliser la procédure de reprise), ou si une inhumation y a été pratiquée, le fondateur a fait préalablement procéder à l’exhumation (à noter que le fondateur de la concession n’est pas forcément le plus proche parent seul compétent pour solliciter l’exhumation).

La rétrocession va naturellement impliquer un abandon des droits sur la concession. En retour, la commune va s’engager à rembourser aux concessionnaires une partie du prix payé. Il relève de l’évidence que la commune ne va pas rembourser l’intégralité du prix puisque par définition même, les concessionnaires sollicitant la rétrocession ont bénéficié de la concession, même si elle n’a pas été utilisée, pendant une certaine durée.

Le remboursement doit être fait prorata temporis, c’est-à-dire en fonction de la durée déjà écoulée et de celle à venir.

On rappellera en outre que si un tiers (ou une autre proportion) du prix de la concession a été imputé au budget du Centre communal d’action sociale (Comptabilité publique, Instruction n° 00-078-MO du 27 sept. 2000 relative à la répartition du produit des concessions de cimetières), les deux autres tiers ayant été imputés parmi les recettes non fiscales de la section de fonctionnement du budget communal, le remboursement ne sera calculé que sur les deux tiers du prix (ceux revenant à la commune), le tiers restant toujours acquis au Centre communal d’action sociale.

Dès lors, dans l’hypothèse d’une demande de rétrocession, la commune remboursera sur la base des deux tiers du prix si elle a, au moment de l’achat, reversé le tiers au Centre communal d’action sociale, et sur la base de la totalité du prix si elle ne procède plus à ce versement. Soit une concession trentenaire achetée deux mille francs (trois cents euros) en 1995. La demande de rétrocession intervient en 2005. La commune - si elle accepte la rétrocession - devra rembourser la somme correspondant aux vingt années qui restent à courir sur la base de deux cents euros (si cent euros ont été versés au Centre communal d’action sociale) soit les deux tiers de ces deux cents euros (puisqu’un tiers de la durée s’est déjà écoulé).

Pour les concessions perpétuelles, la question est plus délicate puisqu’il n’est pas possible de "chiffrer" le temps restant à courir. C’est la commune qui proposera un remboursement qui ne peut évidemment être supérieur au prix d’achat de la sépulture.

… et qui ne peut être proposée que par le fondateur de la concession !

La qualité nécessaire pour pouvoir proposer la rétrocession est au centre de la polémique actuelle autour de cette opération, puisque jusqu’à la publication de cette réponse, les communes acceptaient des rétrocessions sollicitées par des personnes ayant reçu par héritage notamment la concession du fondateur de cette dernière. En effet, le ministre de l’Intérieur, répondant à une question écrite d’un parlementaire a répondu (Rép. min. 57159, JOAN Q 12 juil. 2005 p. 6909 ; La Lettre du funéraire n° 7 p. 4) :
"Une concession funéraire est, par principe, incessible en raison de son caractère essentiellement familial et de l’appartenance des cimetières au domaine public des communes responsables. Une jurisprudence constante a ainsi établi qu’une concession de sépulture ne peut faire l’objet d’un contrat de vente (Cour de cassation, chambre civile, 4 déc. 1967, Dame Dupressoir-Brelet c/Guérin). En revanche, le titulaire d’une concession peut renoncer, au profit de la commune, à tout droit sur une concession dont il est titulaire, contre le remboursement d’une partie du prix payé en fonction de la durée déjà écoulée, défalqué de la somme éventuellement attribuée par la commune au Centre communal d’action sociale qui correspond, en règle générale, à un tiers du montant total. Une telle opération, qui ne peut entraîner aucun bénéfice pour le titulaire de la concession, n’est pas regardée comme une vente par la jurisprudence (Cour de cassation, chambre des requêtes, 16 juil. 1928). Si la rétrocession à la commune d’une concession se conçoit lorsque son titulaire déménage ou lorsqu’il souhaite déplacer celle-ci, aucun texte ne réglemente la procédure de rétrocession. Toutefois, et sous réserve de l’interprétation souveraine des juges, la concession, pour pouvoir être rétrocédée, doit se trouver vide, soit parce qu’elle n’a jamais été utilisée, soit parce que les exhumations des corps ont été préalablement pratiquées, la commune ne pouvant attribuer, à nouveau, la concession que si elle est vide de tout corps (CE, 30 mai 1962, dame Cordier). L’opération de rétrocession effectuée dans ces conditions respecte la décision "Hérail" du Conseil d’État du 11 oct. 1957, puisque le concessionnaire ne cède pas les droits issus de son contrat mais que les deux parties mettent fin à la convention qui les lie. Néanmoins, le conseil municipal, - ou le maire lorsqu’il a reçu délégation du conseil municipal en application de l’article L. 2122-22 du Code général des collectivités territoriales, - demeure libre de refuser l’offre de rétrocession de la concession, obligeant ainsi le concessionnaire à respecter ses obligations contractuelles. La demande de rétrocession ne peut donc émaner que de celui qui a acquis la concession. Sont donc exclus les héritiers, tenus de respecter les contrats passés par leur auteur, soit le fondateur de la sépulture".

Il est essentiel de préciser ici que la réponse donnée par le ministre est parfaitement conforme aux principes posés par la jurisprudence de la Cour de cassation (M. Perrier-Cussac, Les droits du titulaire d’une concession funéraire : JCP N 1990, Doctrine p. 343-353).

Par ailleurs, l’opération que les communes qualifient parfois d’abandon de sépulture n’est autre qu’une rétrocession à titre gratuit et se trouve soumise aux mêmes principes.


Damien Dutrieux

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations