Alors que le taux de crémation a atteint en France 28% en 2008 et que le nombre de crématoriums en fonctionnement est désormais de 140, le législateur vient enfin de donner un statut légal aux cendres humaines issues de la crémation. Le droit funéraire français avait consacré depuis 1887 l’égalité entre les deux modes de sépultures autorisés : L’inhumation et la crémation. Il aura fallu attendre la loi votée en 2008 pour consacrer l’égale dignité entre le corps humain destiné au retour à la terre avec l’inhumation et les cendres humaines.
Introduction

Il faut saluer l’initiative du Parlement qui a mis fin à cette anomalie qui voulait qu’en France ce qui touchait aux cendres ne relevât que du seul pouvoir réglementaire (pour mémoire on peut citer ici le décret fondateur de 1976 dit Poniatowski, le décret de 1998 et le décret du 12 mars 2007) ou d’ordonnances jamais ratifiées par le Parlement. Avec la loi de 2008, la crémation, d’une pratique marginale et militante, devient une pratique humanisée, non plus comme l’a qualifiée le sociologue Jean-Didier Urbain: "Un procédé de disparition citoyenne des corps”.

Le Parlement souverain a surtout mis fin à cette idée que les cendres étaient une chose en dehors du droit, un "rien" toujours en errance, à la libre disposition de dépositaires de circonstance : Le gestionnaire du crématorium, l’opérateur funéraire, le conjoint survivant… en attendant quelque loueur d’espace rémunéré, en quelque sorte un garde-meuble appointé.

Désormais le Parlement fait entrer les cendres dans notre histoire collective en assurant leur traçabilité, leur respect et leur destination dans un lieu situé. Ce "rien" devient désormais une trace précieuse qui nous dit qu’une personne est passée là. Les cendres deviennent une "trace" pour la mémoire, le souvenir, le recueillement pour tous.
C’est toute la chaîne funéraire qui va devoir refonder son approche de la crémation pour sécuriser l’ensemble des gestes liés aux cendres, dans le respect de leur nouveau statut légal.

Les cendres et le code civil

Il faut mesurer que le statut des cendres ainsi consacré par le législateur a été obtenu par modification du code civil et singulièrement des dispositions des articles 16 et suivants s’inscrivant dans le chapitre II : "Du respect du corps humain." Ces dispositions cardinales du code civil sont directement issues des lois dites de bioéthique. Il faut en présenter l’économie générale:

Article 16
(Créé par loi n°94-653 du 29 juillet 1994 - art. 1 JORF 30 juillet 1994 et créé par loi n°94-653 du 29 juillet 1994 - art. 2 JORF 30 juillet 1994):

La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie.

Article 16-1
(Créé par loi 94-653 1994-07-29 art. 1 I, II, art. 3 JORF 30 juillet 1994, créé par loi n°94-653 du 29 juillet 1994 - art. 1 JORF 30 juillet 1994, créé par loi n°94-653 du 29 juillet 1994 - art. 3 JORF 30 juillet 1994):

Chacun a droit au respect de son corps.

Le corps humain est inviolable.

Le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l'objet d'un droit patrimonial.

Article 16-1-1
(Créé par loi n°2008-1350 du 19 décembre 2008 - art. 11) :
Le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort.

Les restes des personnes décédées, y compris les cendres de celles dont le corps a donné lieu à crémation, doivent être traités avec respect, dignité et décence.

Article 16-2
(Modifié par loi n°2008-1350 du 19 décembre 2008 - art. 12):

Le juge peut prescrire toutes mesures propres à empêcher ou faire cesser une atteinte illicite au corps humain ou des agissements illicites portant sur des éléments ou des produits de celui-ci, y compris après la mort.

Article 16-5
(Créé par loi 94-653 1994-07-29 art. 1 I, II, art. 3 JORF 30 juillet 1994, créé par loi n°94-653 du 29 juillet 1994 - art. 1 JORF 30 juillet 1994, créé par loi n°94-653 du 29 juillet 1994 - art. 3 JORF 30 juillet 1994):

Les conventions ayant pour effet de conférer une valeur patrimoniale au corps humain, à ses éléments ou à ses produits sont nulles.

Article 16-6
(Créé par loi 94-653 1994-07-29 art. 1 I, II, art. 3 JORF 30 juillet 1994, créé par loi n°94-653 du 29 juillet 1994 - art. 1 JORF 30 juillet 1994, créé par loi n°94-653 du 29 juillet 1994 - art. 3 JORF 30 juillet 1994):

Aucune rémunération ne peut être allouée à celui qui se prête à une expérimentation sur sa personne, au prélèvement d'éléments de son corps ou à la collecte de produits de celui-ci.

Article 16-9
(Créé par loi n°94-653 du 29 juillet 1994 - art. 1 JORF 30 juillet 1994, créé par loi n°94-653 du 29 juillet 1994 - art. 3 JORF 30 juillet 1994):

Les dispositions du présent chapitre sont d'ordre public.

Pour une application concrète par le juge judiciaire des articles 16 et suivants précités du code civil qui permettent de faire cesser les atteintes ou agissements illicites à la dignité de la personne humaine, ouvrant droit par ailleurs à une action en dommages et intérêts, on prendra connaissance de l’arrêt ci-dessous dans une affaire bien connue.

Cour de cassation - chambre civile 1 - Audience publique du mercredi 20 décembre 2000 - N° de pourvoi: 98-13875 - Publié au bulletin Rejet.
 
République française au nom du peuple français

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu que les sociétés Cogedipresse et Hachette Filipacchi font grief à l'arrêt attaqué (Paris, 24 février 1998) d'avoir ordonné l'insertion dans les hebdomadaires Paris-Match et VSD, dont elles sont éditrices, d'un communiqué faisant état de l'atteinte à l'intimité de la vie privée de la famille X... du fait de la publication d'une photographie du corps de X..., préfet de la République, assassiné à Ajaccio le 6 février 1998 ; qu'il est fait grief à la cour d'appel :
  1. De ne pas avoir constaté l'urgence exigée par l'article 9 du Code civil.
  2. De ne pas avoir relevé une atteinte à l'intimité de la vie privée, en ne retenant qu'une atteinte aux "sentiments d'affliction" de la famille.
  3. Alors que la publication litigieuse répondait aux exigences de l'information et était donc légitime au regard de la liberté fondamentale consacrée par l'article 10 de la Convention européenne.

Mais attendu que la seule constatation d'une atteinte aux droits de la personne caractérise l'urgence, au sens de l'article 9 du Code civil.

Et attendu qu'ayant retenu que la photographie publiée représentait distinctement le corps et le visage du préfet assassiné, gisant sur la chaussée d'une rue d'Ajaccio, la cour d'appel a pu juger, dès lors que cette image était attentatoire à la dignité de la personne humaine, qu'une telle publication était illicite, sa décision se trouvant ainsi légalement justifiée au regard des exigences tant de l'article 10 de la Convention européenne que de l'article 16 du Code civil, indépendamment des motifs critiqués par la deuxième branche du moyen ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi. Publication : Bulletin 2000 I N° 341 p. 220

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 24 février 1998

Titrages et résumés : Protection des droits de la personne - Dignité de la personne humaine - Atteinte - Publication de photographies - Photographies d'une dépouille mortelle - Condition. Justifie légalement sa décision au regard des exigences tant de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme que de l'article 16 du Code civil la cour d'appel qui juge illicite la publication de la photographie de la dépouille mortelle d'un préfet de la République, assassiné sur la voie publique, dès lors qu'elle retient que la photographie représentait distinctement le corps et le visage de la victime, retenant ainsi que cette image était attentatoire à la dignité de la personne humaine, indépendamment des motifs faisant état d'une atteinte à l'intimité de la vie privée de la famille du fait de la méconnaissance des sentiments d'affliction suscités par la période de deuil.

Convention européenne des droits de l’homme

Article 10 - Liberté d'expression - Exercice - Limites - Protection des droits d'autrui.
Textes appliqués :
  • Code civil 16.
  • Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales art. 10.
Pour mémoire, on peut rappeler les dispositions du chapitre III : "De l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne et de l'identification d'une personne par ses empreintes génétiques."

Article 16-10
(Modifié par loi n°2004-800 du 6 août 2004 - art. 4 JORF 7 août 2004)

L'examen des caractéristiques génétiques d'une personne ne peut être entrepris qu'à des fins médicales ou de recherche scientifique.

Le consentement exprès de la personne doit être recueilli par écrit préalablement à la réalisation de l'examen, après qu'elle a été dûment informée de sa nature et de sa finalité. Le consentement mentionne la finalité de l'examen. Il est révocable sans forme et à tout moment.

Article 16-11
(Modifié par loi n°2005-270 du 24 mars 2005 - art. 93 JORF 26 mars 2005 en vigueur le 1er juillet 2005)

L'identification d'une personne par ses empreintes génétiques ne peut être recherchée que dans le cadre de mesures d'enquête ou d'instruction diligentée lors d'une procédure judiciaire ou à des fins médicales ou de recherche scientifique ou d'identification d'un militaire décédé à l'occasion d'une opération conduite par les forces armées ou les formations rattachées.

En matière civile, cette identification ne peut être recherchée qu'en exécution d'une mesure d'instruction ordonnée par le juge saisi d'une action tendant soit à l'établissement ou la contestation d'un lien de filiation, soit à l'obtention ou la suppression de subsides. Le consentement de l'intéressé doit être préalablement et expressément recueilli. Sauf accord exprès de la personne manifesté de son vivant, aucune identification par empreintes génétiques ne peut être réalisée après sa mort.

Lorsque l'identification est effectuée à des fins médicales ou de recherche scientifique, le consentement exprès de la personne doit être recueilli par écrit préalablement à la réalisation de l'identification, après qu'elle a été dûment informée de sa nature et de sa finalité. Le consentement mentionne la finalité de l'identification. Il est révocable sans forme et à tout moment.

Les cendres et le code pénal

À due concurrence, le législateur affirmant le statut des cendres en 2008, modifie le code pénal en incluant "les urnes cinéraires" dans le champ de la Section 4 : "Des atteintes au respect dû aux morts" dont il faut rappeler aussi l’économie générale :

Article 225-17
(Modifié par loi n°2008-1350 du 19 décembre 2008 - art. 13) :

Toute atteinte à l'intégrité du cadavre, par quelque moyen que ce soit, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.

La violation ou la profanation, par quelque moyen que ce soit, de tombeaux, de sépultures, d'urnes cinéraires ou de monuments édifiés à la mémoire des morts est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.

La peine est portée à deux ans d'emprisonnement et à 30 000 euros d'amende lorsque les infractions définies à l'alinéa précédent ont été accompagnées d'atteinte à l'intégrité du cadavre.

Article 225-18
(Modifié par ordonnance n°2000-916 du 19 septembre 2000 - art. 3 (V) JORF 22 septembre 2000 en vigueur le 1er janvier 2002) :

Lorsque les infractions définies à l'article précédent ont été commises à raison de l'appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, des personnes décédées à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, les peines sont portées à trois ans d'emprisonnement et à 45 000 euros d'amende pour les infractions définies aux deux premiers alinéas de l'article 225-17 et à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 euros d'amende pour celle définie au dernier alinéa de cet article.

Article 225-18-1
(Créé par loi n°2001-504 du 12 juin 2001 - art. 11 JORF 13 juin 2001):

Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables dans les conditions prévues par l'article 121-2 des infractions définies aux articles 225-17 et 225-18.

Les peines encourues par les personnes morales sont :
  1. L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38.
  2. Les peines mentionnées aux 2° à 9° de l'article 131-39.
  3. La peine mentionnée au 1° de l'article 131-39 pour les infractions définies par l'article 225-18.

L'interdiction mentionnée au 2° de l'article 131-39 porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise.

Pour une application concrète par le juge pénal des articles 225-17 et suivants du code pénal qui permettent de sanctionner les violations de sépulture on prendra connaissance de l’arrêt ci-dessous :

Cour de cassation - chambre criminelle - Audience publique du jeudi 3 avril 1997 - N° de pourvoi : 96-82380 - Non publié au bulletin Rejet.

République française au nom du peuple français

La cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique tenue au Palais de Justice à Paris, le trois avril mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par : - X... Fernand,
- X... Gilbert, agissant en qualité de curateur de
la partie civile, contre l'arrêt de la cour d'appel de Dijon, chambre correctionnelle, en date du 28 mars 1996, qui, dans les poursuites exercées sur leur plainte contre Christian Y... du chef de violation de tombeau ou sépulture, les a déboutés de leur demande.

Vu les mémoires produits en demande et en défense.

Sur le moyen unique de cassation pris de la violation de l'article 360 du Code pénal, violation de l'article 225-17, alinéa 2, du Code pénal, ensemble violation de l'article 593 du Code de procédure pénale, et de l'article 1382 du Code civil.

"en ce que l'arrêt attaqué a relaxé le prévenu poursuivi pour violation de sépulture et a, par voie de conséquence, débouté la partie civile.

"aux motifs propres que le 9 août 1991, Fernand X..., alors âgé de 80 ans a commandé à la société anonyme Y... et fils la construction d'un caveau à deux places surmonté d'un monument en granit pour son épouse et pour lui-même au cimetière de Prenois (Côte-d'Or) et a versé à cet effet un acompte de 30 000 francs sur un prix convenu qui était de 57 000 francs ; que ce monument devait être édifié sur l'emplacement de deux anciennes concessions perpétuelles dans lesquelles étaient enterrés les membres de la famille de Fernand X... ; que celui-ci avait donné mission au marbrier, au cas où il retrouverait des ossements, de les regrouper et de les placer sous le caveau ; que le 1er juillet 1992, Fernand X..., majeur protégé assisté de son fils et curateur Gilbert X..., a déposé plainte avec constitution de partie civile entre les mains du doyen des juges d'instruction de Dijon contre l'entreprise Y... pour violation de sépulture et infractions aux règlements concernant les inhumations ;

qu'il a exposé que les stèles et monuments recouvrant la sépulture de ses ancêtres avaient été brisés et jetés au milieu d'immondices sur la décharge communale de Prenois, de même que des cercueils et des ossements en très grand nombre; ce qu'une enquête de gendarmerie a confirmé; que lors de l'information, Christian Y... a reconnu la matérialité des faits incriminés mais a soutenu pour sa défense que les monuments anciens étaient irrécupérables et que les ossements avaient été jetés à la décharge par inadvertance et non de manière délibérée ; que le 27 mai 1994, le juge d'instruction de Dijon a rendu, conformément aux réquisitions du ministère public, une ordonnance de non-lieu au motif que les agissements de Christian Y... étaient involontaires ; que statuant sur l'appel de la partie civile, la chambre d'accusation de la cour d'appel de Dijon a infirmé l'ordonnance de non-lieu alléguée et a renvoyé Christian Y... devant le tribunal correctionnel de Dijon ; qu'après la décision de relaxe prononcée par cette juridiction, la Cour saisie par les appels de la partie civile et du ministère public doit à nouveau statuer; qu'ainsi que le soulignent pertinemment les premiers juges, les ossements, compte tenu du transport d'une grande quantité de terre et de gravats, ont pu se trouver mélangés à la terre sans que le prévenu s'en fût rendu compte ;

que la Cour n'estime pas que le caractère volontaire de la violation de sépulture découle directement de la profession du prévenu, contrairement à ce que soutient la partie civile; que les techniques de travail utilisées en l'espèce rendent vraisemblables les explications du prévenu en sorte que par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges, la Cour confirme la décision entreprise tant sur l'action publique que sur l'action civile et ce après avoir souligné dans ses commémoratifs que Christian Y... a été poursuivi devant le tribunal correctionnel de Dijon suite à l'arrêt rendu par la chambre d'accusation de la cour d'appel de Dijon en date du 9 novembre 1994 le renvoyant devant ladite juridiction pour avoir :
- À Prenois, 21 au mois de décembre 1991, en tout cas en Côte d'Or et depuis temps non couvert par la prescription :

*Violé la sépulture des défunts de la famille X... en brisant leur cercueil et le monument qui le recouvrait, infractions prévues et réprimées par l'article 225-17, alinéa 2, du Code pénal ;

"et aux motifs, à les supposer adoptés des premiers juges qu'il résulte des constatations relatées dans le procès-verbal de gendarmerie que les ossements et morceaux de cercueils découverts au mois de janvier 1992 à la décharge publique de Prenois sont susceptibles de provenir des deux tombeaux de la famille X... détruits par Christian Y... à la demande de Fernand X... ; que la violation de sépulture reprochée à Christian Y... n'est constituée ni par l'exécution même des travaux, ni par la destruction des anciennes pierres tombales, en raison des conventions liant les époux X... à la société Y... ; que les dépôts d'ossements et de fragments de cercueil sur une décharge publique constituent une violation de sépulture s'il est établi que cet acte est volontaire ; qu'en l'espèce, Christian Y... fait valoir que l'incident a pu se produire sans qu'il ne s'en rende compte, que l'utilisation d'une pelleteuse pour creuser le caveau et le transport d'une grande quantité de terre et gravats, comme en témoignent les photographies du procès-verbal de gendarmerie, à la décharge publique, rendent vraisemblable le fait que des ossements aient pu se trouver mélangés à la terre sans que Christian Y... ne s'en soit rendu compte en sorte que dans le doute, il y a lieu de renvoyer le susnommé des fins de la poursuite ;

"alors que, d'une part, la cour d'appel saisie par l'effet dévolutif de l'appel croit pouvoir se prononcer en l'état des dispositions de l'article 225-17, alinéa 2, du nouveau Code pénal, alors que celui-ci réprimant plus sévèrement la violation de sépultures, seul était susceptible de recevoir application de l'article 360 de l'ancien Code pénal, les faits reprochés remontant au mois de décembre 1991 ; qu'ainsi, la Cour viole les règles et principes qui gouvernent le droit transitoire en la matière, et fait une fausse application, l'article 225-17, alinéa 2, du nouveau Code pénal, refusant d'appliquer l'article 360 de l'ancien Code ;

"alors que d'autre part, et en toute hypothèse, la partie civile insistait sur le fait que le caractère volontaire de la violation d'une sépulture résultait de la profession de Christian Y..., et du nombre des ossements découverts à la décharge publique et des débris de cercueils, le susnommé ayant déclaré qu'après avoir creusé le caveau et découvert des restes humains, il les avait mis de côté et que d'autres ossements ont été mélangés à la terre de remblais et ce, sans que ce professionnel fasse preuve de précautions élémentaires pour préserver ces restes humains, cependant qu'il ressort du dossier et notamment de l'enquête qu'ils se sont retrouvés en très grand nombre éparpillés dans une décharge publique ; qu'en se contentant d'affirmer qu'elle n'estime pas que le caractère volontaire de la violation de sépulture découle directement de la profession du prévenu, contrairement à ce que soutient la partie civile, sans s'expliquer davantage quant à ce (... ?) , en l'état des circonstances de fait dûment développées par ladite partie civile dans ses écritures, constatées par la chambre d'accusation et s'évinçant du procès-verbal d'enquête de gendarmerie, la Cour ne satisfait pas aux exigences de l'article 593 du Code de procédure pénale ;

"alors que de troisième part, et en toute hypothèse, le délit de violation de sépulture consiste dans un fait matériel volontairement commis, indépendamment de l'intention qui a déterminé l'acte, en sorte que l'exhumation non autorisée et le jet dans une décharge publique d'ossements et de débris de cercueil fût-ce à l'aide d'engins mécaniques ce qui ne peut caractériser une excuse, étaient de nature à caractériser l'élément moral de l'infraction ; qu'en écartant cependant le prévenu des liens de la prévention au motif qu'un doute subsistait sur la volonté, la Cour en statuant comme elle l'a fait ne justifie pas légalement son arrêt au regard de l'article 360 du Code pénal, violé".
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, que le 9 août 1991, Fernand X... a commandé à la société anonyme Marbrerie Libanori et fils la construction d'un caveau surmonté d'un monument, sur l'emplacement d'anciennes concessions de membres de la même famille dont les ossements, s'ils étaient retrouvés, devaient être regroupés sous le caveau ;

Qu'à la suite d'une plainte avec constitution de partie civile de Fernand X..., Christian Y... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel par arrêt de la chambre d'accusation du 9 novembre 1994, pour avoir violé la sépulture des défunts de la famille X... en brisant leurs cercueils et le monument qui le recouvrait et en jetant leurs ossements sur une décharge publique ; qu'il a été relaxé par les premiers juges.

Attendu que, pour confirmer le jugement déféré, la cour d'appel retient notamment, par motifs propres et adoptés, que les techniques de travail utilisées et notamment l'emploi d'une pelleteuse rendent vraisemblables les explications de Christian Y... soutenant que les ossements ont été jetés par inadvertance et non de manière délibérée.

Qu’elle ajoute que le caractère volontaire de la violation de sépulture ne saurait découler par ailleurs directement de la profession du prévenu.

Attendu qu'en cet état, et dès lors qu'elle était saisie de faits entrant dans les prévisions tant de l'article 360 ancien que de l'article 225-17 nouveau du Code pénal, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués.

D'où il suit que le moyen doit être écarté.

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme.

Rejette le pourvoi.

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jours, mois et an que dessus.

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, chambre correctionnelle du 28 mars 1996.

Titrages et résumés : Violation de sépulture - Eléments constitutifs - Elément intentionnel - Travaux effectués sur une ancienne sépulture.

Textes appliqués :
- Code pénal 225-17.

Les cendres et les débats parlementaires

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales : "(…) Le texte qui vous est soumis doit permettre d'accompagner les évolutions de notre société tout en réaffirmant les principes du droit, inscrits au cœur de notre pacte républicain.

Face au développement de la crémation, nous ne pouvons nous contenter du vide juridique. Le statut juridique des restes mortels doit être précisé. Le corps humain n'est pas une chose. Dût-il n'en rester que des cendres, il doit faire l'objet de respect. C'est non seulement une exigence morale mais également une réalité juridique. La proposition de loi le réaffirme.

Les urnes cinéraires doivent demeurer inviolables, au même titre que les sépultures. Profaner une urne cinéraire ou profaner un cimetière sont deux actes également choquants, également condamnables. (…)" (Assemblée nationale. Séance du 20 novembre 2008).

M. Philippe Gosselin, rapporteur : "(…) le deuxième point que je souhaite aborder concerne un sujet délicat, le statut et le devenir du corps du défunt.

La proposition de loi consacre la jurisprudence qui avait posé le principe du respect du cadavre. Elle étend cette obligation de respect aux cendres issues d'une crémation. Il s'agit d'interdire des comportements choquants, déviants, qui vont de la destruction d'une urne au fait de s'en débarrasser dans une poubelle, hélas ! Les cas sont nombreux–, en passant par d'autres curiosités comme leur partage, leur mélange, leur exposition en bijou : Je ne m’attarderai pas.

Le statut des urnes étant assimilé à celui du cadavre, il ne sera donc plus admis que les familles se les approprient comme un objet." (Assemblée nationale. Séance du 20 novembre 2008).

M. Jean-René Lecerf, rapporteur : "Le chapitre 3 de la proposition de loi adoptée par le Sénat, qui définit le statut et la destination des cendres des personnes décédées dont le corps a donné lieu à crémation, comptait huit articles.

L'Assemblée nationale a adopté sans modification l'article 9, qui énonce une obligation de respect, de dignité et de décence à l'égard des restes des personnes décédées, y compris après une crémation.

Elle a simplifié la rédaction de l'article 10, qui permet au juge civil de prescrire toutes mesures pour prévenir ou faire cesser les atteintes illicites au corps humain, sans modifier la portée de ses dispositions.

Les députés ont également adopté sans modification l'article 11, qui prévoit une protection pénale de l'urne cinéraire." (Rapport N° 119 Sénat session ordinaire de 2008-2009 annexe au procès-verbal de la séance du 3 décembre 2008 fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur la proposition de loi, modifiée par L'Assemblée nationale, relative à la législation funéraire par M. Jean-René Lecerf, sénateur).

La protection renforcée des restes mortels dans le Code Général des Collectivités Territoriales

La loi de 2008 a, en outre, par des dispositions particulières, renforcé le statut des restes mortels.

Les crémations administratives encadrées

Article L2223-4
(Modifié par loi n°2008-1350 du 19 décembre 2008 - art. 19) :

Un arrêté du maire affecte à perpétuité, dans le cimetière, un ossuaire aménagé où les restes exhumés sont aussitôt réinhumés.

Le maire peut également faire procéder à la crémation des restes exhumés en l'absence d'opposition connue, attestée ou présumée du défunt.

Les restes des personnes qui avaient manifesté leur opposition à la crémation sont distingués au sein de l'ossuaire.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales : "Mesdames et messieurs les députés, si nous devons assurément adapter notre législation aux évolutions de la société, nous devons aussi rester fidèles à certains principes fondamentaux.

Parmi ces principes, le respect de la volonté des défunts et la liberté des funérailles sont au cœur de notre droit funéraire. Il est d'abord nécessaire de donner aux maires tous les moyens de respecter la volonté du défunt, notamment en les autorisant à faire procéder à la crémation du corps si le défunt en a clairement exprimé la volonté.

Quant à la décision prise par le maire de procéder à la crémation d'un défunt à la suite d'une reprise de sépulture, dite "crémation administrative" – une formule étrange –, elle doit être strictement encadrée.

Dans un domaine si sensible, le silence ne saurait valoir acquiescement. Il est légitime de restreindre la crémation administrative aux seuls cas d'absence d'opposition connue ou attestée du défunt à la crémation, comme, du reste, le texte le propose. (…" (Assemblée nationale. Séance du 20 novembre 2008).

M. Philippe Gosselin, rapporteur : "(…) Enfin, afin de mieux respecter les volontés des défunts en matière de funérailles, la proposition de loi encadre la pratique des crémations administratives, vous l’avez souligné, Madame la ministre.
Désormais, cette pratique ne sera pas autorisée si des indices existent d'une opposition du défunt à la crémation. Ces dispositions concernent un certain nombre de nos compatriotes, dont la religion, juive ou musulmane, interdit la crémation." (Assemblée nationale. Séance du 20 novembre 2008).

M. Philippe Gosselin, rapporteur : "c) Le respect des volontés du défunt en matière de crémation (…)

Des problèmes de respect de la volonté du défunt peuvent également se poser lors des exhumations faisant suite à une reprise de sépulture. Ces exhumations sont normalement suivies d’une réinhumation immédiate dans un ossuaire, mais le maire peut également choisir de faire procéder à la crémation des restes exhumés). Cette possibilité a été introduite pour remédier au problème de saturation des ossuaires dans certaines communes, voire pour des raisons de salubrité publique. Les crémations administratives paraissent cependant peu respectueuses des dernières volontés du défunt. De nombreuses personnes peuvent être opposées à la crémation, notamment pour des raisons religieuses car les religions juive et musulmane prohibent la crémation. Un récent projet d’exhumations et de crémations administratives dans les cimetières parisiens a d’ailleurs provoqué une forte émotion de la communauté juive. De manière plus générale, on peut logiquement supposer qu’une forte proportion de personnes ayant choisi d’être inhumées ne souhaitaient pas faire l’objet d’une crémation. Pour assurer un meilleur respect des volontés des défunts, l’article 18 de la proposition de loi restreint la crémation administrative aux cas d’absence d’opposition connue ou attestée du défunt à la crémation. Il prescrit également de distinguer, au sein de l’ossuaire, les restes des personnes opposées à la crémation, par exemple en créant un deuxième ossuaire."(Rapport N° 66 Assemblée nationale enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 janvier 2008 fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République sur la proposition de loi (N° 51), adoptée par le Sénat, relative à la législation funéraire, par M. Philippe Gosselin,Député.)

Les cercueils inaptes à la crémation

M. Philippe Gosselin, rapporteur : "c) Le respect des volontés du défunt en matière de crémation (…)

En revanche, la proposition de loi n’aborde pas le problème de la crémation des personnes décédées à l’étranger, qui a été signalé à votre rapporteur au cours des auditions. Lorsque le corps d’une personne franchit une frontière, il doit être placé dans un cercueil hermétique en zinc, pour des raisons d’hygiène et de prévention des trafics illicites. Or, à l’arrivée sur le territoire français, un opérateur funéraire ne peut ni incinérer le cercueil, le zinc ne se prêtant pas à la crémation, ni changer le corps de cercueil sous peine de commettre une violation de sépulture. Il en résulte que la crémation ne peut pas être pratiquée quand bien même elle serait le choix du défunt. Il serait souhaitable que le gouvernement adapte la réglementation pour autoriser l’utilisation de cercueils hermétiques dans des matières combustibles autres que le zinc."(Rapport N° 66 Assemblée nationale enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 janvier 2008, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République sur la proposition de loi (N° 51), adoptée par le Sénat, relative à la législation funéraire, Par M. Philippe Gosselin, Député.)

Les personnes dépourvues de ressources suffisantes

Article L2223-27
(Modifié par loi n°2008-1350 du 19 décembre 2008 - art. 20) :

Le service est gratuit pour les personnes dépourvues de ressources suffisantes.

Lorsque la mission de service public définie à l'article L. 2223-19 n'est pas assurée par la commune, celle-ci prend en charge les frais d'obsèques de ces personnes. Elle choisit l'organisme qui assurera ces obsèques. Le maire fait procéder à la crémation du corps lorsque le défunt en a exprimé la volonté.

M. Philippe Gosselin, rapporteur : "c) Le respect des volontés du défunt en matière de crémation.

Le respect du défunt se traduit également par l’obligation de respecter ses dernières volontés en matière de funérailles, consacré par la loi du 15 novembre 1887 sur la liberté des funérailles.

Le droit français est particulièrement respectueux de la volonté du défunt. À la suite d’un décès, le respect de cette volonté est généralement assuré par la famille ou les proches du défunt, qui organisent les funérailles. Si leur choix est contraire à la volonté connue du défunt, plusieurs dispositions tendent à faire primer cette dernière. Le maire peut refuser de délivrer les autorisations demandées. D’autres proches du défunt peuvent également s’opposer au choix de la personne chargée de pourvoir aux funérailles en saisissant le tribunal d’instance, qui jusqu’en 2005 devait statuer en un jour. Il convient également de rappeler que l’article 433-21-1 du code pénal punit de six mois d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende le fait de donner aux funérailles un caractère contraire à la volonté du défunt.
Les règles applicables lorsque les obsèques d’une personne sans ressources sont prises en charge par la commune sont toutefois plus ambiguës. Lorsqu’une personne est dépourvue de ressources suffisantes, l’article L. 2213-7 du code général des collectivités territoriales prescrit au maire de pourvoir d’urgence à l’inhumation décente du défunt sans distinction de culte ni de croyance, ce qui semble exclure la crémation. Ces dispositions doivent toutefois être conciliées avec le principe de liberté des funérailles. Ainsi, si des proches du défunt font part de son souhait d’être incinéré ou d’avoir une cérémonie religieuse, le maire devrait logiquement respecter cette volonté sauf à encourir la sanction pénale précédemment évoquée. Afin de remédier à cette incohérence, l’article 19 de la proposition de loi autorise le maire à faire procéder à la crémation du corps si le défunt en a exprimé la volonté."  (Rapport N° 66 Assemblée nationale enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 janvier 2008 fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République sur la proposition de loi (N° 51), adoptée par le Sénat, relative à la législation funéraire, Par M. Philippe Gosselin, Député.)

L’intégrité des cendres

Article L2223-18-2
(Créé par loi n°2008-1350 du 19 décembre 2008 - art. 16)

À la demande de la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles, les cendres sont en leur totalité :
  • Soit conservées(…).
  • Soit dispersées (…).

Le législateur, par une disposition expresse, s’oppose à la pratique du partage des cendres en consacrant leur intégrité. Cette disposition prohibe aussi la pratique de l’élimination des cendres surnuméraires.

Conclusion

La crémation, ses gestes et ses pratiques, ainsi que les cendres, entrent désormais pleinement dans le champ de la réflexion éthique, il convient que des initiatives concrètes soient prises pour que des avis circonstanciés soient rendus au bénéfice de tous les acteurs du funéraire : Municipalités, opérateurs, cultes et familles pour qu’ils ne s’exposent pas à la rigueur du juge dans son application des textes.

Guillaume d’Abbadie
 

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations