Une récente réponse ministérielle vient éclairer l’une des problématiques les plus intéressantes du renouvellement et de la conversion des concessions funéraires, celle de la durée. Il nous apparaît alors utile de la commenter.

 

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Philippe Dupuis, consultant
au Cridon, chargé de cours
à l’université de Valenciennes,
formateur en droit funéraire
pour les fonctionnaires
territoriaux au sein des
délégations du CNFPT.

Le renouvellement et la conversion : deux opérations juridiquement différentes

Tout d’abord, il convient de rappeler en quoi consistent tant le renouvellement que la conversion des concessions funéraires. En effet, l’art. L. 2223-15 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) dispose, en son alinéa quatre que : "Les concessions… sont renouvelables au prix du tarif en vigueur au moment du renouvellement. À défaut du paiement de cette nouvelle redevance, le terrain concédé fait retour à la commune. Il ne peut cependant être repris par elle que deux années révolues après l’expiration de la période pour laquelle le terrain a été concédé. Dans l’intervalle de ces deux années, les concessionnaires et leurs ayants cause peuvent user de leur droit au renouvellement." Le renouvellement est un droit, et d’ailleurs, le maire ne peut le refuser, même sur le fondement d’un mauvais entretien de la sépulture (TA Paris 9 janvier 2007, n° 0418233, "La lettre du tribunal administratif de Paris" n°12, avril 2007, p. 2 (http://paris.tribunal-administratif.fr/ta-caa/lettre-de-la-jurisprudence).
Tandis que l’art. L. 2223-16 du CGCT dispose que : "Les concessions sont convertibles en concessions de plus longue durée.
Dans ce cas, il est défalqué du prix de conversion une somme égale à la valeur que représente la concession convertie, compte tenu du temps restant encore à courir jusqu’à son expiration." Ainsi, la conversion se définit comme l’allongement de la durée de la concession en cours d’exécution d’un contrat de concession funéraire à la différence du renouvellement qui se caractérise comme la conclusion d’un nouveau contrat au terme du premier. Elle est subordonnée à l’existence de la catégorie demandée dans le règlement de cimetière. Le maire ne peut s’y opposer, la conversion est un droit. En quelque sorte, nous sommes devant une nouvelle concession en fait, sinon en droit (CE 12 janvier 1917, Deconvoux, Rec. CE, p. 38).

Peut-on renouveler pour une durée plus courte ?

La lettre du texte nous inviterait à refuser autre chose qu’un renouvellement d’une durée identique. Néanmoins, réitérant une position déjà ancienne (rép. ministérielle n° 41848, JO AN 14 janvier 1978), la réponse ministérielle, ici commentée, énonce que : "Les communes disposent également de la faculté de proposer un renouvellement de concession pour une durée plus courte que celle accordée par le contrat initial (QE, n° 09563 JO Sénat du 20/08/2009 – p.2005), sous réserve que ladite durée ait été prévue par le conseil municipal et qu’elle soit établie pour une durée comprise entre cinq et quinze ans maximum."
Relevons d’ailleurs que nous ne comprenons pas la raison qui pourrait amener à n’accepter que des renouvellements limités à quinze ans au plus. Si le renouvellement pour une durée plus courte est accepté dans son principe, pourquoi ne pas renouveler une concession cinquantenaire en trentenaire ; intellectuellement, rien ne s’y oppose. L’Administration affirme ensuite que : "Le renouvellement d’une concession peut également être anticipé afin de lever l’obstacle de l’interdiction d’ouvrir une sépulture dans un délai inférieur à cinq ans à compter de la dernière inhumation (art. R. 2223-5 du CGCT). Le maire conditionne alors la délivrance d’une autorisation d’inhumation au renouvellement préalable de la concession lorsque son échéance doit intervenir dans les trois ou cinq ans (circulaire du ministre de l’Intérieur, 1er mai 1928)."
Effectivement, certaines communes pratiquent le renouvellement anticipé, notamment lorsqu’une inhumation est demandée dans une sépulture concédée dont le terme est inférieur à cinq années, voire trois années pour tenir compte des délais de reprise des concessions échues. Il semble possible de prévoir au règlement du cimetière une telle procédure. Relevons d’ailleurs que ladite circulaire ne vise strictement que l’hypothèse particulière où une inhumation est demandée dans une concession dont le terme expire dans les cinq années, voire les deux années.
Cette position s’expliquerait de par l’application des règles de l’art. R. 2223-5 du CGCT. En effet, le CGCT, en son art. R. 2223-5, n’autorise aux communes la reprise des emplacements que tous les cinq ans, tandis que le R. 2213-42, lui, lors d’une exhumation, impose qu’il se soit écoulé au moins cinq ans si l’on souhaite ouvrir un cercueil trouvé en bon état, ce qui revient dans le cas contraire à laisser dans la fosse ce même corps au minimum cinq ans de plus. Néanmoins, techniquement, ce type de renouvellement anticipé est fondamentalement une conversion de la concession funéraire, puisqu’il intervient alors que celle-ci continue d’exister.
 
Les modalités du renouvellement

Si le principe est clair, les modalités l’étaient moins, jusqu’à l’intervention de l’arrêt "Pujol" du 21 mai 2007 (req : n° 281615). Avant l’intervention de cet arrêt, la question qui se posait fréquemment était celle de la date à partir de laquelle courait ce renouvellement. En théorie, la durée pouvait courir soit à compter de la date à laquelle la concession était échue, soit à compter du moment (à la condition que cela soit inscrit dans le délai de deux ans) où le renouvellement intervenait effectivement.
C’est cette première option que le Conseil d’État fait prévaloir dans l’arrêt "Pujol", à l’inverse d’ailleurs de la cour administrative d’appel de Paris, qui optait à propos de la même affaire pour la seconde option. Pour certains auteurs, comme Damien Dutrieux, cette position du Conseil d’État apparaît comme singulière, pour deux raisons :
- La première est tirée du principe de non-rétroactivité des actes administratifs. La régularisation de la concession étant rétroactive puisque l’on fait courir les effets du contrat non pas à partir du paiement effectif de la redevance mais du jour où le premier contrat est échu. On pourrait alors objecter que ce principe n’est applicable qu’aux actes administratifs unilatéraux, et la concession est analysée par le juge comme un contrat (CE, Ass., 21 oct. 1955, Delle Méline : Rec. CE p. 491). Or il n’existe pas de principe de non-rétroactivité des contrats administratifs. On écartera néanmoins cette rétroactivité quand le contrat préjudicie aux droits des tiers (ce n’est pas le cas en l’espèce) ou quand il est subordonné à la transmission en préfecture au titre du contrôle de légalité. En droit, il n’est pas impossible de transmettre les concessions funéraires à ce titre. En effet, si la concession est un contrat, le CGCT précise néanmoins (art. L. 2122-22-8°) que le maire, s’il les délivre, le fait au nom du conseil municipal, or ces décisions du maire sont normalement transmissibles au contrôle de légalité. Par extrapolation, néanmoins, en prenant exemple de la non-transmission des marchés publics sous un certain seuil, d’autres jugent que cette transmission n’est pas obligatoire, et en fait, elle n’existe pas.
- Une seconde critique est parfois formulée, et semble plus efficiente quant à l’impossibilité de cette rétroactivité, tirée des finances publiques : l’émission d’un titre de recette pour une période déjà écoulée et pour un tarif qui n’est plus en vigueur semble à tout le moins difficile.

Les faits de l’arrêt "Pujol" étaient les suivants

Une famille a acquis le 16 août 1960 dans le cimetière parisien de Bagneux une concession funéraire d’une durée de trente ans. Cette concession expirait le 16 août 1990. La famille n’en sollicite le renouvellement que le 9 août 1992 en demandant l’application du tarif en vigueur à la date d’échéance de la concession, et non à la date du renouvellement effectif. La ville de Paris refuse d’appliquer ce premier tarif, qui désormais n’a plus cours, et estime devoir appliquer celui en vigueur depuis le 1er juillet 1992.
Le Conseil d’État affirme alors que : "il résulte de ces dispositions que le titulaire d’une concession funéraire temporaire, trentenaire ou cinquantenaire, bénéficie, à la date d’expiration de la période pour laquelle le terrain a été précédemment concédé, d’un droit au renouvellement de sa concession et que, s’il dispose d’un délai de deux ans pour exercer ce droit en formulant une demande en ce sens et en acquittant la redevance capitalisée payable par avance au titre de la nouvelle période, celle-ci court dans tous les cas à compter de la date d’échéance de la précédente concession, qui est celle à laquelle s’opère le renouvellement ; que, dès lors, le montant de la redevance due est celui applicable à cette date."
D’un strict de point de vue pratique, par l’arrêt "Pujol", on est désormais fixé sur le sens de l’expression "au moment du renouvellement" de l’art. L. 2223-15 du CGCT. Il faut bien entendre le moment où la concession arrive à son terme, et non le moment où le renouvellement a effectivement lieu. Il faut alors préciser que, d’un point de vue pratique, les communes devront dorénavant archiver les tarifs des concessions funéraires, puisque ceux-ci leur seront indispensables pour l’application du tarif de renouvellement.
Il ne serait pas surprenant que certains comptables publics renâclent devant une telle pratique, pourtant imposée par le juge au mépris des règles des finances publiques. En résumé, le renouvellement effectué dans le délai de deux ans courra néanmoins à compter du terme précisé dans le contrat de concession, son prix sera celui qui était en vigueur au moment de l’échéance du contrat de concession. La réponse prend alors le soin de rappeler que : "Le renouvellement de la concession funéraire s’effectue dans tous les cas au tarif en vigueur à la date de son échéance et non à celui en vigueur à la date de la demande de renouvellement (CE, 21 mai 2007, n° 281615, ville de Paris)."

Un renouvellent tardif est-il possible ?

Une question qui pourrait se poser est celle de connaître la position à adopter pour une commune lorsque le renouvellement est demandé postérieurement au délai de deux ans. Juridiquement, le terme est échu et, le délai offert étant expiré, nous nous retrouvons devant des concessions funéraires non renouvelées. Or, passé ce délai, le terrain sur lequel est sis la concession fait retour à la commune et les concessionnaires ne disposent plus d’aucun droit sur cet emplacement duquel les restes mortels et les ornements funéraires pourront être ôtés par la commune sans aucune formalité (CE 26 juillet 1985, M. Lefèvre et autres, Rec., CE, tables, p. 524).
En effet, il n’existe aucun formalisme, autre que le délai de deux ans offert pour renouveler. La commune n’est en aucune façon obligée de lancer une procédure aussi lourde que celle de reprise des concessions en état d’abandon. Il n’est nullement exigé de prévenir la famille, de rédiger des procès-verbaux de description, etc. (le seul écueil étant de ne pas avoir prévu une procédure "maison" au règlement de cimetière : CAA Versailles 17 septembre 2008, n° 08VE00240).
Passé ce délai de deux ans, la commune pourra alors enlever les ornements funéraires et concéder de nouveau l’emplacement après avoir procédé à l’exhumation des restes mortels s’y trouvant. Le caveau et le monument sont évidemment devenus sa propriété, elle en disposera comme bon lui semble. Il paraît néanmoins difficile de refuser un renouvellement après cette période de deux années si un concessionnaire ou un ayant cause vient en faire la demande. Faudrait-il alors appliquer le principe de l’arrêt "Pujol" et en déduire qu’interviendra la régularisation de la période où la concession n’existait plus ? On pourrait le supposer, puisque le juge a déjà accepté une telle régularisation d’une occupation sans titre (CAA Nancy, 28 septembre 2006, n° 05NC00285, Consorts V).

Peut-on alors convertir pour une durée plus courte ou identique ?

La lettre des dispositions du CGCT permet la conversion en cours d’exécution du contrat de concession. Seulement, cette conversion n’est possible qu’à la condition qu’il existe une durée de concession plus longue, puisque le texte ne vise la possibilité de la conversion que si une catégorie plus durable de concession existe. Ainsi, à proprement parler dans un cimetière où n’existeraient par exemple que des concessions trentenaires, la conversion serait impossible. C’est d’ailleurs ce que rappelle la question du parlementaire : "Ainsi, il est impossible pour une personne titulaire d’une concession limitative de la renouveler pour une même durée pendant la période de concession : elle doit soit la convertir en une concession plus longue, soit attendre la fin de la concession. Cette situation est perçue injustement par les administrés qui ne disposent pas des moyens financiers suffisants pour convertir une concession limitative en une concession perpétuelle alors qu’ils ne souhaitent pas ou ne peuvent pas attendre la fin d’une concession, au regard des durées par nature très longues, pour la renouveler."
Le gouvernement lui répond alors : "Rien ne semble s'opposer, dans le cadre du renouvellement anticipé exposé ci-dessus, à la possibilité de convertir une concession pour une durée plus courte que celle accordée par le contrat initial, même si, en l'état actuel de la réglementation, aucune disposition ne le prévoit expressément. Le gouvernement souhaite engager une réflexion visant à clarifier le renouvellement des concessions funéraires pour une durée plus courte ou équivalente sans attendre la fin de celle-ci".
Ce passage est des plus intéressants, puisqu’il acte que, fondamentalement, renouveler de façon anticipée est en fait une conversion, mais surtout annonce que ce manque de clarté dans la rédaction des modalités de ces opérations de renouvellement et de conversion mérite une réécriture de ces dispositions.
L’opération serait aisée, puisqu’il suffirait juste de retoucher l’art. L. 2223-16 du CGCT pour venir préciser que les concessions sont convertibles en cours d’exécution pour toutes les durées prévues par l’art. L. 2223-14 du CGCT et instaurées par le conseil municipal. Quant à l’art. L. 2223-15, il suffirait cette fois de préciser que les concessions temporaires, les concessions trentenaires et les concessions cinquantenaires sont renouvelables pour n’importe laquelle des durées prévues à l’art. L. 2223-14 du CGCT et adoptées par le conseil municipal au prix du tarif en vigueur au moment du renouvellement.

Philippe Dupuis
Consultant au Cridon, chargé de cours à l’université de Valenciennes, formateur en droit funéraire pour les fonctionnaires territoriaux au sein des délégations du CNFPT.

Question écrite n° 99572 de M. René Rouquet (Socialiste, écologiste et républicain – Val-de-Marne)
Question publiée au JO le : 04/10/2016 p. : 7884
Réponse publiée au JO le : 07/02/2017 p. : 1002
Date de changement d’attribution: 07/12/2016

Texte de la question
M. René Rouquet interroge M. le ministre de l’Aménagement du territoire, de la Ruralité et des Collectivités territoriales sur les dispositions du CGCT relatives aux concessions de cimetière. L’art. L. 2223-14 du CGCT dispose qu’une concession de cimetière peut être temporaire, trentenaire, cinquantenaire ou perpétuelle.
S’agissant plus spécifiquement de la prolongation d’une concession, il convient de distinguer deux situations : l’art. L. 2223-15 du CGCT prévoit que les concessions temporaires, trentenaires ou cinquantenaires peuvent être renouvelées, pour une même période, l’année précédant la fin de la concession et jusqu’à deux ans après la fin de la concession ; l’art. L. 2223-16 du CGCT prévoit quant à lui que les concessions sont convertibles en une concession de plus longue durée à tout moment.
Ainsi, il est impossible pour une personne titulaire d’une concession limitative de la renouveler pour une même durée pendant la période de concession : elle doit soit la convertir en une concession plus longue, soit attendre la fin de la concession. Cette situation est perçue injustement par les administrés qui ne disposent pas des moyens financiers suffisants pour convertir une concession limitative en une concession perpétuelle alors qu’ils ne souhaitent pas ou ne peuvent pas attendre la fin d’une concession, au regard des durées par nature très longues, pour la renouveler.
Il voudrait savoir si le gouvernement entend modifier les dispositions législatives susvisées afin de permettre à tout moment le renouvellement d’une concession de cimetière pour une durée inférieure ou équivalente.

Texte de la réponse
L’art. L. 2223-15 du CGCT prévoit que les concessionnaires ou leurs ayants droit peuvent procéder en principe au renouvellement d’une concession à la date d’échéance de celle-ci ou dans les deux années qui suivent l’expiration de cette concession. Le renouvellement d’une concession peut également être anticipé afin de lever l’obstacle de l’interdiction d’ouvrir une sépulture dans un délai inférieur à cinq ans à compter de la dernière inhumation (art. R. 2223-5 du CGCT). Le maire conditionne alors la délivrance d’une autorisation d’inhumation au renouvellement préalable de la concession lorsque son échéance doit intervenir dans les trois ou cinq ans (circulaire du ministre de l’Intérieur, 1er mai 1928).
Le renouvellement de la concession funéraire s’effectue dans tous les cas au tarif en vigueur à la date de son échéance, et non à celui en vigueur à la date de la demande de renouvellement (CE, 21 mai 2007, n° 281615, ville de Paris). Aux termes de l’art. L. 2223-15 du CGCT, le renouvellement s’effectue en principe sur une même parcelle et pour une même durée que le contrat initial, mais le concessionnaire peut user de son droit d’obtenir la conversion de la concession pour une durée plus longue à tout moment (art. L. 2223-16 du CGCT).
Les communes disposent également de la faculté de proposer un renouvellement de concession pour une durée plus courte que celle accordée par le contrat initial (QE, n° 09563 JO Sénat du 20/08/2009 - p. 2005), sous réserve que ladite durée ait été prévue par le conseil municipal et qu’elle soit établie pour une durée comprise entre cinq et quinze ans maximum.
En conséquence rien ne semble s’opposer, dans le cadre du renouvellement anticipé exposé ci-dessus, à la possibilité de convertir une concession pour une durée plus courte que celle accordée par le contrat initial, même si, en l’état actuel de la réglementation, aucune disposition ne le prévoit expressément. Le gouvernement souhaite engager une réflexion visant à clarifier le renouvellement des concessions funéraires pour une durée plus courte ou équivalente sans attendre la fin de celle-ci.

Résonance n°128 - Mars 2017

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