2020 se termine sur une impression inédite liée à l’épidémie actuelle. Des spécialités ont été touchées dans leurs volumes de ventes. Je pense à la marbrerie, aux contrats obsèques, aux ventes d’articles en magasin ainsi qu’à la cartonnerie funéraire. Sans compter les thanatopracteurs, dont l’exercice de spécialité a été interrompu et/ou limité. Alors, à quoi s’attendre en 2021 ? À un probable et spectaculaire rebond qui touchera principalement les contrats obsèques et les monuments funéraires. Pourquoi ? Cet article vous l’explique, et même plus…
Partez du principe qu’un marché s’explique fondamentalement par l’étude de ses clients. Le marché funéraire sera fortement impacté par l’impact de la Covid-19 sur la psychologie des Français. Dépassant les 60 000 morts, la létalité engendrée par l’épidémie a déjà pris une dimension que les prévisions n’imaginaient même pas courant mars, sauf William Dab, ancien directeur général de la Santé, qui alerta alors sur le risque de connaître jusqu’à 140 000 morts supplémentaires si l’épidémie n’était pas jugulée énergiquement. Pour prendre la mesure de ce que nous avons vécu en 2020, l’incidence létale de l’épidémie est trois fois supérieure à celle de la canicule en 2003. Et ce n’est pas fini.
Fragilité extrême devant la mort
La France métropolitaine n’a pas connu de guerre sur son territoire depuis 75 ans, période de paix extrêmement longue au regard de l’histoire. Cette situation a pour conséquence l’existence d’une population qui n’est plus familiarisée avec l’idée de mourir brutalement ou de manière imprévue. Il suffit d’observer comment nos nations modernes encouragent tout à la fois la consommation de voitures puissantes et sophistiquées, et refusent parallèlement le risque de la mort au volant, pour comprendre où nous en sommes par rapport à la mort.
L’épidémie actuelle met en évidence à quel point nous ne sommes plus préparés à la mort en nombre, tout comme nous ne sommes plus préparés à mourir sur le champ de bataille. Nous voulons tous profiter pleinement de longues années de vie à la retraite. Pour autant, la mort étant inévitable, nous ne pouvons pas l’oublier, nos principes de vie moderne sont fortement inspirés par le besoin de mettre à distance cette perspective inexorable. Sans recourir aux croyances religieuses, ce qui est majoritairement le cas des Français aujourd’hui, l’angoisse de la mort trouve sa réponse classique dans le matérialisme. La consommation agit comme un facteur psychologique désangoissant.
Une prise en sandwich
Pour comprendre l’impact psychologique généré par l’épidémie actuelle, il faut prendre en considération, non seulement ses effets létaux, l’angoisse générée par un facteur de mort imprévisible, mais aussi l’impact d’un confinement économique qui freine la consommation des biens et services. C’est un effet combiné : à la mortalité amplifiée répond l’impossibilité de recourir au réflexe désangoissant de consommation. La frénésie qui caractérise les achats de Noël cette année s’explique par un rush chronométré dans les magasins pour,"enfin", retrouver le réflexe qui permet d’affronter plus sereinement l’épidémie.
Ce texte étant écrit un 20 décembre, au moment où nos pays voisins recommencent le confinement et pas nous, la décision de relâche à Noël en France démontre que notre pays est psychologiquement très affecté. La volonté de notre gouvernement ne peut s’interpréter autrement, car les conséquences économiques de la pause de Noël seront plus lourdes que ne l’auraient été celles d’un confinement maintenu tout au long du mois de décembre.
Quand l’après-Covid-19 viendra…
La sortie de crise sanitaire est raisonnablement prévue au second semestre 2021.
La prochaine Toussaint va probablement nous réserver une commande impressionnante d’équipements de marbrerie funéraire. Tout d’abord, en raison des freins que nous aurons connus tout au long de l’épidémie. Mais en plus, la fameuse angoisse générée par la mort va doper le besoin d’investir matériellement, de se rassurer en se disant qu’au moins, pour la partie cimetière des funérailles, le nécessaire sera réglé. Il est prévisible que cela s’inscrira dans une période d’achats d’équipements de biens ayant une portée apaisante sur l’angoisse existentielle.
Ce réflexe portera aussi sur la volonté de souscrire un contrat de préfinancement des funérailles, dès que nos seniors ne craindront plus de sortir en ville.
Réorientation des mentalités
Le confinement a permis à beaucoup de personnes un travail d’introspection qui laissera des traces. La superficialité des valeurs de consommation va céder du terrain à une nouvelle recherche de sens qui aura des conséquences sur la nature des demandes familiales pendant les funérailles. Répétons-le encore, la plupart des Français ne croient plus en rien, et sont particulièrement démunis ou sans repères solides face aux mystères de la vie humaine. L’épidémie d’un côté et la confrontation de plus en plus sensible de cultures très différentes nouvellement implantées sur notre sol pourraient créer un regain identitaire et religieux.
Mais le plus probable sera l’évolution plus ou moins consciente des demandes familiales en ce qui concerne le funéraire :
le retour en force d’une demande de soins de conservation pour se préserver physiquement, au moins le temps des funérailles,
une extension de soi à travers la protection de ses proches, solidarité intergénérationnelle qui plaidera pour un monde et des pratiques plus écologiques, épargnant l’avenir des enfants.
L’obligation d’acquérir, pour lutter contre l’angoisse de la mort, va ainsi se réorienter vers la volonté d’augmenter l’estime de soi à travers des causes à défendre et la recherche constante du "vrai".
Nos stratégies dans ce contexte ?
Revenons à ce que nous connaissons depuis deux décennies : deux stratégies commerciales ciblées bien distinctes. Le low cost d’un côté, le service total et soigné pour accompagner au maximum les familles de l’autre. Chaque entreprise possède son propre dosage dans sa politique commerciale, en n’étant pas toujours très claire sur ce point : un peu de low cost, un peu de services élaborés, le tout sous enseigne unique. Autant dire être bon à tout et à rien.
Réfléchissez-y… Ce choix est hérité des décennies précédentes où l’entreprise intervenait sur un marché local en servant tous types sociaux de clientèle. La transformation de cet état de chose va s’amplifier après l’épidémie, car nous aurons de plus en plus affaire à des personnes décomplexées de tout tabou. Les Français sortiront de la crise actuelle avec la volonté accrue d’exprimer leurs désirs particuliers.
La "personnalisation" des funérailles, encore une option à l’heure actuelle, va devenir l’étalon de compétence à vitesse accélérée. Elle sera fer de lance des publicités et des pratiques proposées. Sur quelles bases ? Plus celles de la famille, classique encore aujourd’hui en remplacement des discours religieux, mais majoritairement sur la base de ce que le défunt appréciait de son vivant : passion, métier, implication, hobby, etc.
Les trois facteurs dominants du choix de l’entreprise funéraire seront donc à passer à la moulinette de l’analyse :
quel type d’accueil et de dialogue commercial pour organiser les funérailles ?
quelles techniques, savoir-faire et/ou quels équipements disposer pour améliorer l’offre de services ?
quelle tarification choisir pour assumer les coûts induits par la nouvelle stratégie de services ?
Réussir cette mutation sera au prix d’une communication rondement menée, accompagnée d’une politique RH parfaitement maîtrisée. C’est la fin du règne autocratique de la comptabilité…
Fragilité extrême devant la mort
La France métropolitaine n’a pas connu de guerre sur son territoire depuis 75 ans, période de paix extrêmement longue au regard de l’histoire. Cette situation a pour conséquence l’existence d’une population qui n’est plus familiarisée avec l’idée de mourir brutalement ou de manière imprévue. Il suffit d’observer comment nos nations modernes encouragent tout à la fois la consommation de voitures puissantes et sophistiquées, et refusent parallèlement le risque de la mort au volant, pour comprendre où nous en sommes par rapport à la mort.
L’épidémie actuelle met en évidence à quel point nous ne sommes plus préparés à la mort en nombre, tout comme nous ne sommes plus préparés à mourir sur le champ de bataille. Nous voulons tous profiter pleinement de longues années de vie à la retraite. Pour autant, la mort étant inévitable, nous ne pouvons pas l’oublier, nos principes de vie moderne sont fortement inspirés par le besoin de mettre à distance cette perspective inexorable. Sans recourir aux croyances religieuses, ce qui est majoritairement le cas des Français aujourd’hui, l’angoisse de la mort trouve sa réponse classique dans le matérialisme. La consommation agit comme un facteur psychologique désangoissant.
Une prise en sandwich
Pour comprendre l’impact psychologique généré par l’épidémie actuelle, il faut prendre en considération, non seulement ses effets létaux, l’angoisse générée par un facteur de mort imprévisible, mais aussi l’impact d’un confinement économique qui freine la consommation des biens et services. C’est un effet combiné : à la mortalité amplifiée répond l’impossibilité de recourir au réflexe désangoissant de consommation. La frénésie qui caractérise les achats de Noël cette année s’explique par un rush chronométré dans les magasins pour,"enfin", retrouver le réflexe qui permet d’affronter plus sereinement l’épidémie.
Ce texte étant écrit un 20 décembre, au moment où nos pays voisins recommencent le confinement et pas nous, la décision de relâche à Noël en France démontre que notre pays est psychologiquement très affecté. La volonté de notre gouvernement ne peut s’interpréter autrement, car les conséquences économiques de la pause de Noël seront plus lourdes que ne l’auraient été celles d’un confinement maintenu tout au long du mois de décembre.
Quand l’après-Covid-19 viendra…
La sortie de crise sanitaire est raisonnablement prévue au second semestre 2021.
La prochaine Toussaint va probablement nous réserver une commande impressionnante d’équipements de marbrerie funéraire. Tout d’abord, en raison des freins que nous aurons connus tout au long de l’épidémie. Mais en plus, la fameuse angoisse générée par la mort va doper le besoin d’investir matériellement, de se rassurer en se disant qu’au moins, pour la partie cimetière des funérailles, le nécessaire sera réglé. Il est prévisible que cela s’inscrira dans une période d’achats d’équipements de biens ayant une portée apaisante sur l’angoisse existentielle.
Ce réflexe portera aussi sur la volonté de souscrire un contrat de préfinancement des funérailles, dès que nos seniors ne craindront plus de sortir en ville.
Réorientation des mentalités
Le confinement a permis à beaucoup de personnes un travail d’introspection qui laissera des traces. La superficialité des valeurs de consommation va céder du terrain à une nouvelle recherche de sens qui aura des conséquences sur la nature des demandes familiales pendant les funérailles. Répétons-le encore, la plupart des Français ne croient plus en rien, et sont particulièrement démunis ou sans repères solides face aux mystères de la vie humaine. L’épidémie d’un côté et la confrontation de plus en plus sensible de cultures très différentes nouvellement implantées sur notre sol pourraient créer un regain identitaire et religieux.
Mais le plus probable sera l’évolution plus ou moins consciente des demandes familiales en ce qui concerne le funéraire :
le retour en force d’une demande de soins de conservation pour se préserver physiquement, au moins le temps des funérailles,
une extension de soi à travers la protection de ses proches, solidarité intergénérationnelle qui plaidera pour un monde et des pratiques plus écologiques, épargnant l’avenir des enfants.
L’obligation d’acquérir, pour lutter contre l’angoisse de la mort, va ainsi se réorienter vers la volonté d’augmenter l’estime de soi à travers des causes à défendre et la recherche constante du "vrai".
Nos stratégies dans ce contexte ?
Revenons à ce que nous connaissons depuis deux décennies : deux stratégies commerciales ciblées bien distinctes. Le low cost d’un côté, le service total et soigné pour accompagner au maximum les familles de l’autre. Chaque entreprise possède son propre dosage dans sa politique commerciale, en n’étant pas toujours très claire sur ce point : un peu de low cost, un peu de services élaborés, le tout sous enseigne unique. Autant dire être bon à tout et à rien.
Réfléchissez-y… Ce choix est hérité des décennies précédentes où l’entreprise intervenait sur un marché local en servant tous types sociaux de clientèle. La transformation de cet état de chose va s’amplifier après l’épidémie, car nous aurons de plus en plus affaire à des personnes décomplexées de tout tabou. Les Français sortiront de la crise actuelle avec la volonté accrue d’exprimer leurs désirs particuliers.
La "personnalisation" des funérailles, encore une option à l’heure actuelle, va devenir l’étalon de compétence à vitesse accélérée. Elle sera fer de lance des publicités et des pratiques proposées. Sur quelles bases ? Plus celles de la famille, classique encore aujourd’hui en remplacement des discours religieux, mais majoritairement sur la base de ce que le défunt appréciait de son vivant : passion, métier, implication, hobby, etc.
Les trois facteurs dominants du choix de l’entreprise funéraire seront donc à passer à la moulinette de l’analyse :
quel type d’accueil et de dialogue commercial pour organiser les funérailles ?
quelles techniques, savoir-faire et/ou quels équipements disposer pour améliorer l’offre de services ?
quelle tarification choisir pour assumer les coûts induits par la nouvelle stratégie de services ?
Réussir cette mutation sera au prix d’une communication rondement menée, accompagnée d’une politique RH parfaitement maîtrisée. C’est la fin du règne autocratique de la comptabilité…
Olivier Géhin
Résonance numéro spécial n°11 - Décembre 2020
Résonance numéro spécial n°11 - Décembre 2020
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