Depuis toujours, les femmes portent le deuil avec une résilience et une profondeur qui traduisent leur lien intime à la vie et à la mort. Si le deuil touche l’humanité tout entière, la manière dont les femmes le vivent, le ressentent et le transforment en un élan créatif pour honorer la mémoire d’un être cher, est souvent unique. Cette relation spécifique entre la psychologie du deuil chez les femmes et une forme poétique de commémoration peut naitre sous différentes formes, et les "Flories" en sont une… ces boules de graines enveloppées d’argile et de terre, prête à germer, sont conçues pour honorer, à sa façon, en tous lieux et en toute discrétion, le souvenir de celui, ou celle… qui nous était si cher.

La perte d’un être cher est une expérience douloureuse mais commune qui refuse de se plier à toute tentative de prévision. Un instant inévitable de fragilité intense qui se glisse dans l’existence de tout un chacun, tissant ainsi la trame du destin. Cela étant, à bien y regarder, il apparaît que ce sont surtout les femmes qui se retrouvent inlassablement confrontées à cette épreuve.
Trop souvent, ce sont elles qui veillent sur les souvenirs, elles qui entourent et accompagnent les mourants, qui s’occupent des rituels de départ, et qui continuent, seules, leur chemin après la perte de l’être aimé. De fait, nous parlerons ici du deuil au féminin, des particularités psychologiques de cette épreuve, et comment des objets tels que les "Flories" peuvent tisser un lien poétique entre le deuil et la renaissance.
La tristesse au féminin, une mélodie révélée
Le deuil, compagnon fidèle des femmes depuis la nuit des temps, se raconte à travers les récits anciens et les légendes qui ont marqué l’histoire de l’humanité. Depuis les premières sociétés patriarcales, les femmes se sont fréquemment retrouvées investies du rôle de gardiennes du foyer, chargées d’apaiser les tourments de l’existence, même lors des moments les plus sombres tels que les périodes de deuil.
Elles veillent sur leurs enfants, leurs époux, leurs parents vieillissants, et finissent bien souvent par porter le poids de l’absence, devenant les témoins des cycles successifs de la vie et de la mort.
Fortes d’une espérance de vie supérieure, les femmes sont plus susceptibles de faire face à la perte de leur conjoint ou partenaire, les plongeant ainsi dans des deuils prolongés, parfois seules au crépuscule de leur existence. Plus rarement, fort heureusement pour elles, il arrive que celles-ci aient aussi à assumer le deuil de leurs enfants avec une intensité particulière, ne serait-ce que par la force du lien maternel, si profond, tissé dans les souffles de la naissance et de la tendresse prodiguée.


De tout temps et dans de nombreuses sociétés, les récits décrivant les rituels funéraires ont mis en lumière le rôle prépondérant des femmes qui, en première ligne, veillaient sur les défunts, préparaient les corps avec soin, entonnaient des chants de lamentations et rendaient un hommage vibrant aux disparus.
Dans l’ancienne Égypte, les "pleureuses" étaient des femmes qui accompagnaient publiquement le cortège funéraire en élevant la voix pour exprimer la tristesse collective. En Europe, les femmes étaient souvent celles qui se chargeaient des rites domestiques autour de la mort, du linceul tissé jusqu’aux veillées funèbres.
Ces rituels et cette exposition fréquente au deuil n’ont fait qu’intensifier le lien entre les femmes et la mort, un lien que l’on pourrait presque qualifier d’intuitif. Cette proximité leur donne une sensibilité particulière au sujet de la perte d’un être cher, sensibilité qui s’exprime à la fois dans leurs paroles, leurs écrits, leurs chants, et même dans la manière dont elles s’occupent des autres après un décès.
Le "deuil au féminin"… une approche psychologique plus humaine
Le vécu du deuil n’est pas uniforme ; chacun le vit à sa manière, influencé par sa culture, son éducation et sa personnalité. Toutefois, des études psychologiques indiquent que les femmes et les hommes ont des approches distinctes vis-à-vis du processus de deuil. Les femmes ont une propension plus marquée à privilégier les émotions, à exprimer verbalement la souffrance et à chercher du soutien social.
Elles ne rechignent pas à communiquer, à partager leurs souffrances et à mobiliser leur cercle relationnel pour affronter la situation. Souvent, ces échanges et autres interactions permettent de construire un sens qui les guide pour traverser l’épreuve.
Il n’est pas rare non plus que les femmes endossent également le rôle de soutien pendant les moments de deuil, offrant une oreille attentive, concoctant des mets réconfortants et apportant un soutien émotionnel à leurs proches.
Paradoxalement cette inclination vers autrui leur permet de mieux comprendre leur propre douleur. Les femmes, façonnées par la société patriarcale pour être les éternelles "aidantes naturelles", peuvent parfois découvrir dans ce rôle un moyen de dépasser leur propre souffrance.
Néanmoins, cette profonde connexion émotionnelle peut parfois se transformer en fardeau : il arrive que des femmes, en absorbant la souffrance d’autrui, se retrouvent submergées par une charge émotionnelle qui entrave leur propre cheminement de deuil… et que celui-ci devienne chronique.
Fort heureusement, ces situations ne sont pas généralité et, bien au contraire, la construction du processus de deuil chez les femmes passe souvent par des rituels personnels, tels que tenir un journal intime, planter un arbre en mémoire du défunt, créer des albums de souvenirs. Ces gestes symboliques permettent d’externaliser la douleur, de donner une forme concrète à une souffrance invisible. C’est dans cet espace que des créations comme les "Flories" trouvent une résonance particulière.


Les Flories : symbole de mémoire et de renouveau
C’est en prenant conscience de cette charge émotionnelle et de la dimension symbolique du "deuil au féminin" que sont nées les "Flories". Ces boules de graines à semer, imaginées par leur créateur, Frédéric Piron, comme une façon douce et poétique de faire face à la perte d’un être aimé, viennent combler un besoin de ritualisation qui va au-delà des simples mots. Offrir la possibilité de semer un souvenir est une manière de célébrer la vie, même dans la mort, d’entourer la mémoire du défunt de la splendeur et de la générosité de la nature.
Les "Flories" se veulent à la fois un hommage et une promesse de renouveau
Par cette démarche, on dépose dans la terre non seulement une volonté de se souvenir, mais aussi l’espoir que, de cette perte, naîtra quelque chose de beau. La croissance des fleurs représente le cycle perpétuel de la vie et de la mort, un cycle auquel les femmes sont si intimement liées. Cette dimension tangible permet de transformer la douleur en un acte créatif, de rendre hommage tout en matérialisant un espace de recueillement, de contemplation et de sérénité.
Si l’inspiration des "Flories" puise dans l’expérience personnelle de Frédéric Piron, leur dénomination est le fruit d’une rencontre :
"J’ai donné à ces boules de terre et de fleurs le prénom de la chirurgienne qui m’a opéré la main qui me sert aujourd’hui à écrire ces mots "Florie", un prénom qui évoque la flore. Je suis heureux que ces symboles d’espoir et d’humanité que sont les "Flories" portent un nom féminin comme une reconnaissance à vous toutes, de la particularité de vos deuils. Je suis Frédéric, je ne suis pas "elle… je suis juste un IL entouré de toutes ces mères qui portent notre monde en leur sein."
Ce geste démontre que, derrière chaque "Flories", il y a une histoire de lien, de gratitude et d’amour. Planter des "Flories", c’est aussi célébrer la contribution des femmes dans nos vies, qu’elles soient mères, sœurs, compagnes ou amies.
En conclusion, le deuil au féminin est une épreuve chargée d’émotions profondes, une épreuve traversée avec une résilience qui honore à la fois le souvenir et la vie. Les "Flories" sont une belle illustration de la manière dont cette résilience peut s’exprimer, offrant une façon symbolique de transformer la douleur en une force créative, de rendre hommage à l’amour qui demeure. Planter des "Flories", c’est laisser une trace, c’est semer la mémoire, c’est croire que, même après la mort, la vie continue de fleurir.
Résonance n° 209 - Novembre 2024
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