Chaque année, de plus en plus de personnes choisissent de se réorienter vers le secteur funéraire. Un secteur souvent mal compris, mais qui regorge de réelles opportunités, notamment pour celles et ceux désireux de redynamiser leur parcours professionnel. Cependant, passer du rêve à la réalité ne va pas toujours de soi. Au-delà des compétences techniques spécifiques, rigueur, maîtrise émotionnelle et disponibilité sont les qualités essentielles recherchées par les dirigeants de pompes funèbres. Des qualités indispensables pour naviguer dans les situations émotionnellement complexes et garantir un service irréprochable, toujours dans le respect des familles endeuillées.
Depuis 1981, l’EFFA (École de Formation du Funéraire), organisme adossé à la FNF (Fédération Nationale du Funéraire), accompagne les candidats en reconversion, les aidant à franchir le pas et à intégrer un secteur à la fois exigeant et riche de sens. Dans un monde où les parcours professionnels se diversifient et où la quête de sens prime, l’EFFA répond ainsi aux aspirations d’une nouvelle génération en recherche d’impact humain dans son travail.
Deux conseillers funéraires formés cette année à l’EFFA, Marie-Ange Delgado et Frédéric Danhiez, nous ont ouvert la porte de leur nouvelle vie professionnelle. Rencontre avec ceux qui ont choisi de faire du secteur funéraire leur nouveau départ.
Pouvez-vous nous parler un peu de votre parcours ? Qu’est-ce qui vous a amené à choisir ce métier ?
Marie-Ange Delgado : Ma transition vers le secteur funéraire s’inscrit dans le cadre d’une reconversion professionnelle. Avant cela, j’ai travaillé pendant 25 ans dans un service administratif d’EHPAD en Seine-Saint-Denis, où j’ai connu plusieurs directions. La dernière m’a poussée à quitter ce poste. Après une rupture conventionnelle, je cherchais un métier qui me correspondrait mieux sur le plan humain.
J’ai toujours été attirée par le secteur funéraire, en particulier le rôle de conseillère funéraire. J’en ai parlé avec une conseillère de France Travail et j'ai consulté une psychologue du travail, ce qui a confirmé mon choix de me réorienter vers ce domaine. J’étais tellement convaincue de ma décision que je n’ai pas ressenti le besoin de faire une période d’insertion. Le secteur humain m’a toujours intéressée, surtout l’importance de l’accompagnement des personnes et du service rendu.
Frédéric Danhiez : Mon parcours est différent de ma collègue. Je suis opticien diplômé. J’ai toujours été associé dans des magasins de galeries marchandes dans la région toulousaine. Ce que je retrouve dans le funéraire, c’est ce que nous avions perdu dans le commerce, à savoir le côté humain, l’accompagnement, la diversité de tâches.
Dans le funéraire, j’apprécie vraiment l’accompagnement dans le deuil de la famille de A à Z, de la réception en agence jusqu’à la fin de la cérémonie. Pour ce qui est de la diversité des tâches, j’apprécie le fait de pouvoir suivre dans la même journée l’administratif, le conseil aux familles, la comptabilité, les travaux de marbrerie, etc.
Qu’est-ce qui vous inspire le plus dans votre travail au quotidien ?
FD : Il y a tellement de choses qui me touchent dans ce métier. Ce qui me plaît avant tout, c’est la dimension humaine : la compassion, l’empathie, et le fait de célébrer la vie du défunt. Je trouve important de me concentrer sur tout ce qu’il a accompli, de penser aux belles choses qu’il a vécues plutôt que sur la tristesse de sa disparition.
Ma mère est décédée en décembre 2019, juste avant la crise de la Covid. La façon dont la personne, qui nous a accompagnés à ce moment-là, a fait son travail m’a profondément touché. C’était un service de qualité. Tout a été pris en charge de manière très professionnelle et humaine, ce qui m’a marqué.
Dans mon expérience d’opticien, j’ai travaillé avec des personnes ayant une déficience de la vue, parfois confrontées à une cécité définitive. Mais avec le temps, le métier a évolué et est devenu plus contraignant, surtout à cause des restrictions financières imposées par les mutuelles. Le sens que je trouvais dans mon travail a commencé à disparaître. C’est là que je suis revenu à l’aspect humain, et j’ai trouvé que le domaine funéraire me permettait de renouer avec ce sens.
Le décès fait tomber les masques, et on se retrouve face à des émotions brutes, authentiques. Cela me touche profondément de pouvoir offrir un accompagnement qui répond vraiment à ce besoin d’humanité et de réconfort. C’est un métier où l’on peut vraiment apporter quelque chose de précieux aux autres.
M-AD : Oui, je suis tout à fait d’accord avec mon collègue, et j’aimerais ajouter un point : l’accompagnement des familles, du début à la fin. Là où je travaille, nous gérons aussi le funérarium. Il m’arrive de faire les toilettes et l’habillage, mais je ne m’occupe pas des autres soins. Mon travail va de la toilette jusqu’à la cérémonie.
C’est vraiment enrichissant d’être présent pour la famille et de prendre en charge l’ensemble des obsèques. Pour eux, c’est plus simple, car ils n’ont affaire qu’à un seul professionnel. Ils ont une personne référente sur qui ils peuvent compter. Je trouve que c’est une bonne manière de faire.
Si vous deviez expliquer votre métier à quelqu’un qui ne le connaît pas du tout, que lui diriez-vous en quelques mots ?
M-AD : Il me faudrait un peu plus que quelques lignes (rires). Plus sérieusement, c’est un métier où l’on est souvent face à la douleur des familles. Cela peut être particulièrement difficile, surtout lorsqu’on doit accompagner des familles touchées par le décès d’un nourrisson ou d’un jeune enfant, car cela nous renvoie parfois à nos propres émotions.
Mais la vraie récompense, c’est le "merci" des familles. Quand elles nous disent merci après que l'on a tout fait pour que la cérémonie se déroule comme elles le souhaitaient, c’est ça qui compte le plus. Nous essayons toujours de personnaliser la cérémonie autant que possible. Ce "merci" est la plus belle des récompenses. Notre but, c’est d’aider les familles à traverser ce moment difficile de la manière la plus sereine possible.
FD : Oui, le conseiller funéraire joue un rôle essentiel pendant le deuil. Il veille à ce que tout se passe avec dignité et respecte les souhaits du défunt et de sa famille. Il s’assure aussi que toutes les démarches suivent les règles en vigueur en France.
Y a-t-il eu des moments marquants ou des anecdotes dans votre parcours qui vous ont confirmé que vous étiez sur la bonne voie ?
FD : Quand une famille vient vous remercier à la fin d’une cérémonie, c’est toujours un moment émouvant. Les familles, qui s’attendaient à vivre une épreuve difficile, sont souvent soulagées de constater qu’elles ont pu revivre les meilleurs moments de la vie de leur proche. Elles repartent avec un sentiment de satisfaction. J’aime beaucoup entendre des mots comme : "Merci, vous avez su mettre nos pensées en mots". Pour ma part, j’ai décidé de suivre des cours de théâtre et de mise en scène en complément de ma formation, afin de m’améliorer dans ce domaine.
M-AD : J’ai eu à m’occuper des obsèques d’un bébé de 2 mois, ce qui était ma plus grande crainte, et aussi d’une jeune de 20 ans, décédée dans un accident de voiture. Finalement, tout s’est bien passé. Une autre expérience me revient en tête : une famille très en colère à cause de la douleur liée au décès. On se prend des reproches, des mots durs. C’est difficile à accepter sur le moment, mais on travaille en équipe, et on se soutient. Après en avoir discuté ensemble, c’est souvent la personne la plus à l’aise avec la situation qui prend le relais pour gérer le dossier.
Comment vos études à l’EFFA vous ont-elles préparés pour ce métier et ses réalités ?
M-AD : L’équipe pédagogique de l’EFFA m’a vraiment bien accompagnée, dès l’inscription. Au départ, je pensais choisir la formation de maître de cérémonie, mais on m’a conseillé de suivre celle de conseiller funéraire, qui comprend aussi la formation de maître de cérémonie.
J’avais des doutes, car je ne me voyais pas du tout dans un rôle commercial. Mais finalement, tout s’est bien passé, et je remercie l’EFFA pour cela. Grâce à cette formation, j’ai eu plus d’opportunités professionnelles et aujourd’hui, je suis très épanouie dans mon travail. C’est vraiment le métier que je voulais faire.
FD : Nous avons été bien accompagnés pendant toute la formation. J’aimerais aussi souligner la qualité des intervenants, qui sont des experts dans leur domaine. Grâce à eux, l’apprentissage de nouvelles matières, comme la sociologie des religions, le droit funéraire, ou encore la psychologie du deuil, a été beaucoup plus facile.
À quoi ressemble une journée type pour vous ? Quelles sont vos principales missions et responsabilités ?
M-AD : Je travaille dans une régie municipale, et le fonctionnement est différent de celui des pompes funèbres privées. Il n’y a pas vraiment de journée type, chaque jour est différent. Par exemple, hier (lundi), une réquisition de police est arrivée dans la nuit de samedi à dimanche, et j’ai dû la traiter. Le matin, j’ai reçu une famille qui nous avait contactés dimanche (j’étais d’astreinte), puis une autre famille l’après-midi.
Aujourd’hui, j’ai surtout fait de l’administratif pour préparer les documents nécessaires pour les mairies. Le travail est très prenant émotionnellement. Hier, les deux décès sur lesquels je travaillais avaient des obsèques prévues pour le lendemain et le surlendemain. Dans ces cas-là, tout doit être réglé rapidement.
Parfois, il y a aussi des moments plus calmes où je peux me concentrer sur des tâches qu’on n’a pas pu faire auparavant, comme la marbrerie. La principale responsabilité est de garantir la qualité des obsèques, ce qui signifie obtenir tous les documents à temps, prévenir nos prestataires dans les meilleurs délais et coordonner leur travail.
En ce moment, je gère 4 dossiers en même temps, ce qui peut rendre les choses plus compliquées. Il ne faut surtout pas faire d’erreur. Les dossiers sont vérifiés plusieurs fois, et je peux aussi demander l’avis de mes collègues si nécessaire. On s’entraide beaucoup au quotidien. Je travaille avec 3 collègues : la directrice qui nous aide sur les dossiers, un collègue diplômé, et un autre qui va se former à l’EFFA à la fin de l’année.
FD : Je suis d’accord avec ma collègue. Il n’y a pas vraiment de journée type. En général, dans mon équipe, ma responsabilité est de m’assurer que l’organisation des cérémonies se passe bien, de vérifier s’il y a eu des incidents pendant la nuit, de traiter les devis et de prendre en compte toutes les autres demandes des clients.
Quelles sont les petites satisfactions qui vous donnent le sourire au quotidien ?
M-AD : Ce qui me touche, c’est de voir une famille repartir soulagée après un entretien, avec le sourire, en sachant que tout sera bien organisé. Un simple "merci" me suffit. Ça me rend vraiment heureuse, car je me dis que ma journée a contribué à apporter un peu de réconfort, même dans des moments très difficiles.
FD : Cela rejoint ce que j’ai déjà dit : il s’agit de transformer un moment difficile en une occasion de rendre hommage à la vie du défunt.
Y a-t-il des défis ou des contraintes propres à ce métier ?
M-AD : Je ne vois pas de contraintes, mais plutôt des défis. Le principal défi, c’est de se dépasser et de personnaliser au mieux les cérémonies. Par exemple, nous avons organisé les obsèques d’un enfant de 9 ans dans des conditions particulières. Nous avons, par exemple, demandé au transporteur de fournir des costumes spécifiques. Cela a été une vraie satisfaction de personnaliser autant les obsèques.
Mais c’est un défi constant. Pour y parvenir, j’arrive à séparer ma vie professionnelle de ma vie personnelle. C’est parfois plus difficile, surtout quand il s’agit de situations très particulières, comme le décès de jeunes enfants. Il peut y avoir des moments très éprouvants, mais on en parle entre nous, et ça nous aide énormément.
FD : Je suis d’accord avec ma collègue. Pour l’instant, je ne vois pas de véritables contraintes. Les astreintes font partie du métier, mais on s’y adapte au quotidien. En revanche, la météo peut poser des problèmes, surtout lorsqu’il pleut ou neige. Parfois, la famille arrive en retard, ou il y a des contraintes liées aux fermetures de caveaux. Tout cela peut perturber le déroulement de la cérémonie. Il faut savoir s’adapter et gérer ces imprévus, qui arrivent souvent à la dernière minute.
Avec qui collaborez-vous le plus souvent ? Quelles professions ou services faites-vous intervenir ?
M-AD : On travaille avec beaucoup d’interlocuteurs différents, car nous n’avons pas encore d’équipe de porteurs en interne. Pour les inhumations, on fait appel à du personnel extérieur. Récemment, nous avons acquis un corbillard, ce qui nous permet maintenant d’aller chercher les défunts et de les amener directement au crématorium. Tout le reste, comme la marbrerie et les fleurs, est sous-traité. Nous sommes encore nouveaux dans la profession, et notre objectif est de nous agrandir pour pouvoir tout gérer de manière autonome, de A à Z.
FD : Il y a une multitude de professions qui travaillent avec nous. Cela va des salariés de mairies aux thanatopracteurs en passant par les fleuristes et les marbriers. La formation théorique et le stage nous ont permis de découvrir ces différents métiers. Cela est important pour moi, car je compte m’installer à court terme en tant que dirigeant de pompes funèbres.
Que diriez-vous à quelqu’un qui hésite à se lancer dans cette profession ?
M-AD : Je leur dirais de se lancer, car c’est un métier très beau. Il faut bien sûr aimer l’aspect funéraire. Ce n’est pas pour tout le monde, il faut savoir encaisser, mais c’est un métier passionnant, rempli d’émotions et de contacts. Moi, je viens travailler chaque matin avec le sourire. C’est, à mes yeux, l’un des plus beaux métiers.
FD : Je suis d’accord avec ma collègue. Il ne faut pas hésiter à se lancer, c’est un beau métier. C’est vrai qu’on ne compte pas ses heures, comme dans tous les métiers où l’on donne de soi-même, mais c’est un métier d’avenir, centré sur le contact humain.
Résonance n° 210 - Décembre 2024
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