En 2013, le programme de formation des conseillers funéraires a connu une grande transformation. Entre autres choses, il comprenait désormais 7 heures de formation au management et à la conduite d’une équipe. Cette formation et son intitulé en ont surpris plusieurs…
En effet, qu’est-ce qui est étonnant dans le fait d’apprendre à conduire une équipe ? Pour ma part, l’ayant appris, je trouvais l’idée bonne et moderne. Il faut dire que j’avais sous les yeux des exemples antédiluviens de management qui sentaient bien l’Ancien Régime. Comme quoi, les voyages dans le passé ne sont pas uniquement le fait du cinéma.
J’ai commencé à mieux comprendre l’étonnement de mon entourage quand ce dernier m’a dit qu’effectivement cette formation pouvait bien être nécessaire. Elle pouvait enseigner aux managers à monter un planning, à distribuer le travail, à surveiller l’exécution et à remonter au directeur les comportements "déviants". De plus, les plaintes pour harcèlement au travail se multipliant, il fallait réagir.
Un enseignant, dont j’ai eu l’honneur d’être l’élève, nous disait que la base du management au XIXe siècle était contenue dans un triptyque très simple : "planifier – commander – faire exécuter". On dit souvent que l’école ne sert à rien, mais, sur ce coup, elle m’a aidé à saisir l’étonnement de mon entourage.
Le grand amoureux de l’histoire que je suis aurait pu s’enthousiasmer face à ce retour dans le passé, mais l’idée de vivre avec mon temps m’apparaissait plus engageante, d’autant plus que je n’allais pas reproduire ou encenser ce dont souffraient plusieurs personnes que je croisais. En effet, des échos m’arrivaient, poussés par le vent de la tristesse et du désespoir. Des managers que j’avais pu rencontrer ou certains salariés vivaient des vexations et des frustrations au travail.
Charles de Gaulle, dans ses "Mémoires de guerre", écrit une chose qui me semble juste : le management est, ici, je le cite : "un don et un art". Le don est une gratification obtenue par la nature. L’art est souvent synonyme de capacité à gérer l’inconnu et l’immatériel. Comme j’ai souvent dit aux groupes devant lesquels je me suis présenté au cours des 30 dernières années : "L’enseignement est un art, car, le matin, quand j’entre en classe, je ne sais jamais comment se passera la journée. Cependant, je sais que je dispose d’aptitudes pour faire face à ce qui pourrait arriver, et cela, sans risquer de m’effondrer." Le management, c’est la même chose.
Une idée m’est alors venue. Elle m’a causé des ennuis. Mais je savais que j’avais raison. J’ai donc persisté. À partir de ma propre expérience, j’ai tiré une première conclusion : le management est la gestion d’une équipe qui sera efficace si nous pouvons nous manager nous-même.
Formateur auprès de groupes d’adultes professionnels, j’ai rapidement compris qu’un formateur qui se sent bien avec lui-même peut agir efficacement auprès des étudiants qu’il rencontre. Un formateur qui fait vivre au groupe ses désillusions, ses difficultés personnelles ou son besoin sans fin d’autorité, projette sur le groupe une certaine idée, et, si cette idée ne se reflète pas au quotidien au formateur, le clash survient.
Une anecdote
Il y a quelques années, un centre de formation me demande comment je fais pour garder le calme dans le groupe de conseillers funéraires dont j’ai la responsabilité. Je leur dis que je n’en sais rien, mais je demande aussitôt ce qui motive cette question. Le directeur me dit que les formateurs qui passent dans ce groupe se plaignent du comportement des étudiants. Ah bon…
Quelque temps après, le directeur me dit qu’il a découvert mon secret. Les yeux écarquillés, j’attends la révélation. Il me dit alors : "Vous regardez les étudiants différemment, et vos attentes sont ailleurs. Le groupe est au calme avec vous." Sincèrement, je ne m’attendais pas à ça, mais c’est une des plus belles que l’on m’ait dites.
Yves Messier
Formateur et consultant auprès des communes
Résonance n° 210 - Décembre 2024
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