Comment capter la croissance du marché de l’assurance obsèques. Transparence, digitalisation des services et nouvelles prestations : les mutations du jeu concurrentiel et les perspectives d’ici 2023.
Trois questions à Sabine Gräfe(1), directrice d’études.
1 - Comment se présentent les perspectives pour le marché de l’assurance obsèques ?
L’an dernier, les cotisations d’assurance obsèques en France ont progressé de 2,3 %, pour s’établir à près de 1,6 milliard d’euros. D’un côté, le marché de l’assurance obsèques a été porté par les nouvelles souscriptions (550 000 nouveaux contrats signés) et, de l’autre, il a été pénalisé par l’arrivée à échéance de nombreux contrats (plus de 200 000 ont fait l’objet d’un règlement suite au décès du souscripteur).
Certes, l’augmentation du nombre de décès dans un contexte marqué par la pandémie s’est traduite par une hausse de la sinistralité en assurance obsèques (+ 6,7 % à 685 millions d’euros de prestations versées, soit 3 391 € par décès en moyenne). Les perspectives du marché s’annoncent pourtant favorables. Au-delà de ses effets immédiats, la crise aura favorisé la prise de conscience des personnes touchées par un décès chez leurs proches de l’avantage de financer les obsèques à l’avance. Sans oublier que le vieillissement de la population restera un facteur structurel de soutien.
En 2025, le nombre de seniors de 60 ans et plus frôlera les 19 millions (soit 8,6 % de plus qu’en 2020). Pour limiter l’effet de la hausse de la sinistralité sur leurs marges, les assureurs augmenteront en parallèle leurs tarifs. Dans ces conditions, nous anticipons un taux de croissance annuel moyen de 4 % d’ici 2023 pour les cotisations d’assurance obsèques. En somme, le marché est aujourd’hui en route pour un nouveau sommet (1,8 milliard d’euros de cotisations à cet horizon).
2 - Comment les acteurs répondent-ils aux critiques récurrentes ?
Globalement, ils redoublent d’efforts en matière de transparence et d’information. À ce titre, les mutuelles misent sur leur capital confiance pour redorer l’image de la profession et gagner des clients. Face aux nombreux freins à la souscription, les opérateurs renforcent également les prestations d’accompagnement. C’est ainsi que le tiers payant, une forte attente des souscripteurs, se développe de plus en plus en France.
Le déploiement des garanties obsèques dans les packs santé et prévoyance dédiés aux seniors fait aussi partie des leviers mobilisés par les acteurs. Les offres promotionnelles visant le conjoint sont également privilégiées par un grand nombre d’opérateurs.
Le digital, enfin, est au cœur des stratégies. Et les outils en ligne se multiplient (simulateur, souscription…) pour répondre aux attentes des seniors en quête de solutions simples et fluides. Les assureurs cherchent aussi à accompagner les familles lors du décès. C’est le sens des partenariats noués avec des start-up (InMemori ou Testamento, par exemple) pour enrichir les services proposés dans les contrats obsèques.
3 - Comment s’organise le paysage concurrentiel du marché ?
Longtemps premiers distributeurs d’assurance obsèques, les pompes funèbres ont perdu des parts de marché avec la montée en puissance des bancassureurs. Ces derniers se sont hissés en tête de la distribution en misant sur de nombreux atouts : la densité de leur réseau d’agences, la fréquence de la relation client et leur forte pénétration auprès des seniors sont leurs principaux atouts.
Les bancassureurs dominent également la production de l’assurance obsèques. Crédit Agricole Assurances détient ainsi plus de 20 % du marché, suivi de La Banque Postale Prévoyance et CNP Assurances. Le rapprochement de ces deux derniers fin 2021 donnera d’ailleurs naissance à un opérateur d’envergure sur ce marché.
Parmi les autres poids lourds de la production figurent Generali (qui s’appuie sur de nombreux partenariats sous marque blanche) et Auxia (qui a conclu une alliance commerciale avec OGF, le premier acteur de services funéraires).
Quant aux sociétés d’assistance, elles interviennent dans la mise en œuvre des prestations d’assistance adossées aux contrats d’assurance obsèques. La menace de nouveaux entrants, en particulier dans la distribution, n’est pas à prendre à la légère. Les jeunes pousses des services funéraires ont en effet annoncé leur arrivée, à l’image d’AdVitam.
En quête de relais de croissance, les courtiers grossistes se tiennent également en embuscade. Préaconis a ainsi fait son entrée sur le marché en 2020. Les mutuelles du Code la mutualité mettent elles les bouchées doubles. La France Mutualiste s’est ainsi positionnée courant 2019, tandis que Mutac, Harmonie Mutuelle et MGEN ont lancé leur enseigne baptisée La Maison des Obsèques.
Sabine Gräfe
Nota :
(1) Collaboratrice de Xerfi depuis 1994, Sabine Gräfe est directrice d’études et experte dans les secteurs Assurance-Banque-Finance. Elle est titulaire d’un master de l’Université Paris X-Nanterre en monnaie et finance.
Résonance n° 171 - Juin 2021
Suivez-nous sur les réseaux sociaux :