Le législateur ayant tardé à inclure les sites cinéraires dans le Code général des collectivités territoriales (CGCT), plusieurs catégories de sites cinéraires existent qui se sont créés au cours du temps : ils peuvent être soit dans un cimetière, soit contigus à un crématorium, soit sur un terrain totalement indépendant d’un cimetière et d’un crématorium.
Introduction
Ces diverses catégories nous imposent de rappeler au point 1 les dispositions prévues pour chaque catégorie de sites cinéraires par le CGCT et par la loi du 19 décembre 2008 puisque certaines dispositions de la loi ne sont pas incluses dans le CGCT. Le site cinéraire répondant à la définition d’un cimetière, nous verrons au point 2 quelles en sont les conséquences sur sa gestion compte tenu de la police du maire qui n’est pas susceptible de délégation. Les attributions de police du maire et les attributions du conseil municipal construiront le plan de la gestion des différents sites cinéraires, qui sera détaillé au point 2.
Enfin, pour l’avenir, conformément à l’article L 2223-1 du CGCT, les communes de plus de 2 000 habitants devront disposer dans leur cimetière d’un site cinéraire avant le 20 décembre 2013 (art. 22 de la loi du 19 décembre 2008). La composition de ce site cinéraire est donnée par l’article L 2223-2 du CGCT : un espace de dispersion muni d’un dispositif d’identification des noms des défunts dont les cendres ont été dispersées, un columbarium ou des concessions pour urnes cinéraires.
1 - Plusieurs modes de gestion pour les sites cinéraires
Détails de la loi du 19 décembre 2008
Conformément à l’article L 2223-40 du CGCT, modifié par l’ordonnance du 28 juillet 2005, les communes et les groupements communaux sont seuls compétents pour la gestion des sites cinéraires.
L’ordonnance du 28 juillet 2005 précisait, dans l’article L. 2213-18 du CGCT, que la concession était destinée au dépôt et à l’inhumation des urnes cinéraires, ainsi qu’à la dispersion des cendres. Depuis la loi du 19 décembre 2008, l’article L 2223-18-2 du CGCT précise que la dispersion des cendres n’est pas permise sur une concession et que la dispersion en cimetière ou en site cinéraire a lieu sur un espace aménagé à cet effet (l’ancien jardin du souvenir).
L’article L 2223-40 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) ajoute que les sites cinéraires contigus à un crématorium peuvent être gérés, soit directement par la commune et la communauté de communes, soit en gestion déléguée par une entreprise privée. La collectivité locale peut donc déléguer la gestion d’un site cinéraire contigu à un crématorium.
La loi du 19 décembre 2008, dans son article 23, distingue aux points III et IV les sites cinéraires privés non contigus à un crématorium et les sites cinéraires privés créés avant le 31 juillet 2005, date d’entrée en vigueur de l’ordonnance du 28 juillet 2005, en dehors d’un cimetière ou d’un lieu de sépulture autorisé.
En effet, l’ordonnance du 28 juillet 2005 a régi la gestion des sites cinéraires : cette ordonnance a modifié l’article L 2223-40 du CGCT pour mettre la création et la gestion des sites cinéraires sous la seule compétence des communes et de leurs collectivités. Avant cette date, il n’existait pas de règle pour l’implantation des sites cinéraires et il a pu être créé légalement un site cinéraire privé non contigu à un crématorium.
Le point III de l’article 23 de la loi du 19 décembre 2008 précise que les sites cinéraires privés non contigus à un crématorium doivent revenir à la commune, par convention dans un délai de cinq ans à compter du 20 décembre 2008, date de publication de la loi.
Le point IV de l’article 23 de la loi du 19 décembre 2008 s’applique aux sites cinéraires privés, non situés dans un cimetière ou un lieu de sépulture autorisé, et créés avant le 31 juillet 2005. Ce lieu de sépulture autorisé est nécessairement un cimetière confessionnel ou un terrain privé de sépulture et, dans ces cas, il n’existe pas de possibilité de site cinéraire géré en délégation. Tout site cinéraire créé dans un lieu de sépulture autorisé tombe sous le coup du point III de l’article 23 de la loi du 19 décembre 2008 s’il est non contigu à un crématorium et doit faire retour à la commune, par convention, dans le délai de cinq ans. En revanche, tout site cinéraire créé avant le 31 juillet 2005 et contigu à un crématorium ne répond pas aux conditions des points III et IV de l’article 23 de la loi : dans ce cas, c’est l’article L 2223-40 du CGCT qui s’applique avec une gestion directe.
En application du point IV de l’article 23 de la loi, le site cinéraire créé hors des lieux de sépulture autorisés peut être géré par voie déléguée, par dérogation à l’article L 2223-40 du CGCT. Le terme "peut", rare dans une loi, et associé à l’expression "par dérogation" laisse ouverte une possibilité autre que la gestion directe prévue par l’article L 2223-40 du CGCT, cette possibilité étant la gestion déléguée. Mais l’absence de sanction prévue à l’article L 2223-18-4 pour ces sites cinéraires laisse également ouverte la possibilité de rester en gestion privée, sans même passer en gestion déléguée puisque cette gestion déléguée n’est qu’une possibilité.
La principale distinction entre le point III et le point IV de l’article 23 de la loi du 19 décembre 2008 réside dans la création du site cinéraire avant ou après le 31 juillet 2005 : les sites cinéraires créés avant le 31 juillet 2005 ont été créés légalement et ils peuvent rester privés ou passer en gestion déléguée selon la volonté de leur propriétaire. Au contraire, les sites cinéraires qui ont pu être créés après le 31 juillet 2005 l’ont été en violation de l’ordonnance du 28 juillet 2005 qui interdisait la création de sites cinéraires privés.
Le législateur accorde un délai de cinq ans, pour signer une convention de retour du site cinéraire à la commune, aux gestionnaires privés qui ne respectaient pas cette ordonnance car la validité de l’ordonnance n’est pas claire. En effet, dans le rapport présenté à l’Assemblée nationale, le député M. Philippe Gosselin rappelle qu’un projet de loi de ratification de l’ordonnance du 28 juillet 2005 a été déposé sur le bureau du Sénat le 13 septembre 2005, mais que cette ordonnance n’a pas été ratifiée, donc n’a pas acquis de valeur législative. La conséquence est que des sites cinéraires ont pu légalement être créés après l’entrée en vigueur apparente de cette ordonnance, découlant de sa publication au Journal officiel. D’où ce délai de cinq ans accordé pour les mettre en conformité.
L’éventuelle convention de délégation entre l’ancien gestionnaire privé du site cinéraire et la commune fixera le délai de prise de possession du site par la commune, ce délai étant fonction du coût des investissements réalisés et de leur période d’amortissement. En compensation, le gestionnaire privé fixera ses prix en accord avec la commune et passera en gestion déléguée.
Une certitude émerge de cette multitude d’implantations et de dates de création des sites cinéraires privés : le législateur a reconnu que les créateurs de sites cinéraires pouvaient ignorer les jurisprudences interdisant la création de sites cinéraires privés. En effet, il existait bien des jurisprudences, de la Cour de cassation notamment, qui s’opposaient à la gestion privée. En conséquence de cette méconnaissance, le législateur leur fait bénéficier de la possibilité de gestion déléguée.
Toutefois, le point III de l’article 23 de la loi du 19 décembre 2008 s’applique aux sites cinéraires privés non contigus à un crématorium tandis que le point IV de l’article 23 de la loi du 19 décembre 2008 s’applique aux sites cinéraires privés, non situés dans un cimetière ou un lieu de sépulture autorisé, et créés avant le 31 juillet 2005. Ces nuances de contiguïté ou non et d’implantation dans un cimetière ou non vont démontrer leur importance si l’on regarde la législation applicable à chaque site cinéraire selon son implantation et sa date de création.
Application de la loi à chaque cas de site cinéraire
Les points III et IV de l’article 23 de la loi sont des articles complémentaires au CGCT, qui s’appliquent aux anciens sites cinéraires créés avant l’application de la loi. Pour les sites cinéraires créés après le 23 décembre 2008, date d’application de la loi, c’est le CGCT et plus particulièrement l’article L 2223-40, qui les régit.
Pour les cimetières, l’article L 2223-40 du CGCT est sans ambiguïté et sans changement : les collectivités et leurs groupements sont seuls compétents pour les créer et les gérer.
Les sites cinéraires créés après le 23 décembre 2008, date d’application de la loi, sont sous la compétence des collectivités locales, par la première phrase de l’article L 2223-40, et en gestion directe par la troisième phrase (fin du premier paragraphe), à l’exception des sites cinéraires contigus à un crématorium qui peuvent être en gestion déléguée. Cet article L 2223-40 vise aussi bien les sites dans ou hors d’un cimetière et contigus ou non à un crématorium, et ceci quelle que soit la date de création du site. Il s’appliquera donc dans les cas non visés par les points III et IV de l’article 23 dérogatoire au CGCT.
Le point III de l’article 23 de la loi s’applique aux sites cinéraires créés avant le 23 décembre 2008 et qui ne sont pas contigus à un crématorium, qu’ils soient ou non dans un cimetière. Pour les sites cinéraires situés hors d’un cimetière et non contigus à un crématorium, l’obligation du point III l’emporte sur la possibilité laissée au point IV. Pour ces sites cinéraires, une convention doit être signée entre le propriétaire privé et la collectivité, d’ici le 23 décembre 2013, pour que le site cinéraire devienne propriété de la collectivité.
Le point IV de l’article 23 de la loi du 19 décembre 2008 s’applique aux sites cinéraires créés avant le 31 juillet 2005, en dehors d’un cimetière ou d’un lieu de sépulture autorisé, et contigus à un crématorium (sinon l’obligation du point III s’applique) : ils peuvent passer en gestion déléguée ou rester en gestion privée.
Les sites cinéraires créés entre le 31 juillet 2005 et le 23 décembre 2008, qui sont contigus à un crématorium et hors d’un cimetière, ne sont pas régis par les points III et IV de l’article 23. En conséquence, c’est la deuxième phrase de l’article L 2223-40 du CGCT qui s’applique, avec une gestion directe ou déléguée.
Lieu du site Date de création |
Dans un cimetière (1) et contigu à un crématorium |
Dans un cimetière et non contigu à un crématorium |
Hors d’un cimetière et contigu à un crématorium |
Hors d’un cimetière et non contigu à un crématorium |
< 31/07/2005 | Ni point III ni point IV, donc art. L. 2223-40 : Gestion directe |
point III de l’article 23 : convention de délégation avant le 23/12/2013 |
point IV de l’article 23 : gestion directe ou déléguée ou privée |
point III de l’article 23 : convention de délégation avant le 23/12/2013 |
31/07/2005 > 23/12/2008 |
Ni point III ni point IV, donc Art. L. 2223-40 : Gestion directe |
point III de l’article 23 : convention de délégation avant le 23/12/2013 |
Ni point III ni point IV, donc L. 2223-40 : gestion directe ou déléguée |
point III de l’article 23 : convention de délégation avant le 23/12/2013 |
23/12/2008 < | Art. L. 2223-40 : Gestion directe |
Art. L. 2223-40 : Gestion directe |
Art. L. 2223-40 : Gestion directe ou déléguée |
Art. L. 2223-40 : Gestion directe |
Les sites cinéraires créés avant le 23 décembre 2008, dans un cimetière et contigus à un crématorium ne sont pas pris en compte par les points III et IV de l’article 23 de la loi. En conséquence, ils sont régis par la troisième phrase de l’article L. 2223-40 du CGCT, donc en gestion directe de la collectivité.
Il résulte de ces dispositions que seuls les sites cinéraires relevant du point IV de l’article 23 de la loi du 19 décembre 2008, c'est-à-dire les sites cinéraires créés avant le 31 juillet 2005 et en dehors d’un cimetière (pour ne pas tomber dans le cadre de l’article L. 2223-40 du CGCT), peuvent rester privés.
Conséquences de la loi
Lorsqu’il y a gestion privée, la loi ne précise pas que le créateur du site est seul habilité à le gérer. Par conséquent, ce site privé peut être vendu et changer de propriétaire, tout en gardant son mode de gestion privée. En revanche, le changement de délégataire du site cinéraire contigu à un crématorium devra être effectué dans le respect du code des marchés publics.
Il me paraît que tout gestionnaire privé de site cinéraire créé avant le 31 juillet 2005 doit en informer le maire de sa commune d’implantation, en lui donnant les preuves de la création du site avant le 31 juillet 2005. Il lui rappellera, à cette occasion, que cette date de création exempte le site cinéraire des obligations prévues par l’article L. 2223-40 du CGCT, en vertu du point IV de l’article 23 de la loi du 19 décembre 2008, ainsi que des sanctions prévues par l’article L 2223-18-4 du CGCT. Une question sur la méthode employée par le maire pour exercer son contrôle de police amènera ce maire à répondre et à valider ainsi le caractère privé de ce site cinéraire. Dans le cas où le maire ne reconnaîtrait pas les preuves de la création avant le 31 juillet 2005, il appartiendrait au gestionnaire privé de saisir le tribunal administratif pour trancher sur la validité des preuves de création.
Enfin, ce point IV de l’article 23 de la loi du 19 décembre 2008 n’étant pas inclus dans le CGCT alors qu’il n’a pas de date finale d’exécution contrairement au point III (délai de cinq ans), il serait judicieux que l’article L 2223-40 du CGCT rappelle cette possibilité de gestion privée en complétant la première phrase du paragraphe premier qui deviendrait :
"Art. L 2223-40.- Les communes et les établissements publics de coopération intercommunale sont seuls compétents pour créer et gérer les crématoriums et les sites cinéraires, à l’exception des sites cinéraires situés en dehors d'un cimetière public ou d'un lieu de sépulture autorisé, et créés avant le 31 juillet 2005 qui peuvent rester privés ou être gérés par voie de gestion déléguée. Les crématoriums et les sites cinéraires qui leur sont contigus peuvent être gérés directement ou par voie de gestion déléguée. Les sites cinéraires inclus dans le périmètre d'un cimetière ou qui ne sont pas contigus à un crématorium doivent être gérés directement.
(les deux autres alinéas sans changement)".
2 - Conséquences du pouvoir de police du maire sur la gestion d’un site cinéraire
Les cendres des personnes crématisées étant des restes mortels de par l’article 16-1-1 du Code civil, il découle de cet article que les sites cinéraires répondent à la définition de l’article L 2223-1-1er alinéa et sont par conséquent des cimetières, avec la seule particularité que leur gestion n’est pas nécessairement communale, mais peut être déléguée, ou privée pour les sites cinéraires créés avant le 31 juillet 2005 en dehors d’un cimetière.
Bien qu’aucun article de la loi n’y fasse référence, le site cinéraire étant un cimetière, il en résulte que sa création suit les règles de création d’un cimetière : décision du conseil municipal en général et autorisation du préfet pour les projets de site cinéraire implantés dans une ville de plus de 2 000 habitants, à l’intérieur du périmètre d’agglomération et à moins de 35 mètres des habitations.
Ces trois possibilités de gestion, compétence de la commune ou de la communauté de communes, en gestion déléguée ou totalement privée, imposent de déterminer les obligations du maire et du conseil municipal de la commune, de l’entreprise délégataire ou de l’entreprise privée selon chaque cas de site cinéraire.
Nous étudierons en premier lieu, au point 3, le pouvoir de police générale du maire avec ses conséquences en matière de gestion d’un cimetière et d’un site cinéraire. Au point 4, nous détaillerons le pouvoir de police spéciale du maire avec ses conséquences sur la gestion des différents sites. Puis nous énumérerons au point 5 les activités du service extérieur des pompes funèbres dans chacun de ces différents sites. Ce point 5 déterminera les habilitations funéraires éventuellement nécessaires au gestionnaire.
Enfin, parmi les activités de gestion du cimetière, certaines sont d’office de la compétence du maire, tandis que d’autres peuvent lui être déléguées par le conseil municipal comme la délivrance des concessions par exemple. Lorsque le conseil municipal n’a pas délégué ces activités au maire, il lui est impossible de subdéléguer, c'est-à-dire de déléguer une quelconque partie de sa délégation. Nous verrons au point 6 s’il peut subdéléguer une partie de la délivrance des concessions quand il a lui-même reçu une délégation du conseil municipal.
Dans un souci de clarté, que ce soit en matière de police générale, de police spéciale, de service extérieur des pompes funèbres et de délivrance des concessions, nous détaillerons toujours en premier lieu chaque acte de gestion d’un cimetière communal, pour appliquer par la suite ces principes à un site cinéraire à gestion soit déléguée, soit entièrement privée.
3 - Activités de police générale
Rappelons que le maire est chargé par l’article L 2212-1 du CGCT d’assurer la police générale de la collectivité, qui est détaillée à l’article L 2212-2 du CGCT : il s’agit d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques.
Il est capital de signaler que ces attributions de police générale sont rappelées à l’article L 2122-27 du CGCT et que l’article L. 2122-18 du CGCT ne permet la délégation du maire qu’à un de ses adjoints ou à des membres du conseil municipal. Enfin, le préfet peut se substituer au maire qui n’aurait pas exercé cette police, après l’avoir requis, par l’article L 2122-34 du CGCT.
Les infractions à l’ordre et à la salubrité publique sont du domaine réservé de la police communale. Seule la police municipale, ou la police nationale dans les grandes villes, peut donc réprimer toute atteinte à l’ordre public, à la sécurité et à la salubrité publiques, et prévenir ces atteintes.
L’activité de prévention, de contrôle et de répression de l’infraction concernant le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques est une compétence exclusive du maire et non du conseil municipal. Elle n’est pas susceptible de délégation à une entreprise privée.
De même, l’entretien des monuments funéraires est lié à la salubrité publique quand il existe un risque d’accident de personne. Le délégataire ou le gestionnaire privé doivent, par courrier recommandé avec accusé de réception, demander la remise en état du monument menaçant ruine. En l’absence de réponse, il leur revient d’alerter le maire. En effet, le maire, par l’article L 511-4-1 du code de la construction et de l’habitation, a tout pouvoir pour éviter la chute du monument et les accidents de personne en résultant.
L’élagage et l’entretien de la voirie sont des activités de gestion de cimetière quand ils sont courants, ces activités de gestion courante étant traitées au point 4. Toutefois, si les arbres sont malades et risquent de chuter ou si un effondrement se produit sous la voirie (par exemple, effondrement d’une galerie souterraine), alors l’élagage et l’entretien de la voirie deviennent de la salubrité publique et relèvent du pouvoir de police du maire seul. En revanche, l’entretien de la pelouse sur un site communal ou cinéraire est de la gestion courante qui sera étudiée au point 4.
Le maire est donc compétent d’office, par ses pouvoirs de police, pour l’élagage et l’entretien de la voirie dans ces cas de risque pour la sécurité des personnes, ainsi que pour la conservation du domaine public, l’ordre et la salubrité publics.
Ces pouvoirs de police non susceptibles de délégation sont valables aussi bien dans le cimetière communal que dans le site cinéraire communal, ainsi que dans le site cinéraire délégué ou privé, et même dans un terrain privé comportant une tombe puisque ce terrain devient un cimetière.
Ainsi, toute manifestation portant atteinte à l’ordre public dans un site cinéraire ne pourra pas être gérée par le délégataire ni par le gestionnaire privé. Ils pourront attirer l’attention des manifestants sur les peines encourues, mais devront faire appel au maire ou à la police pour faire cesser cette manifestation.
Il reste à examiner qui est compétent pour la gestion courante du cimetière communal et des sites cinéraires délégués ou privés.
4 - Activités de police spéciale du maire et gestion des différents sites
La mission de police administrative spéciale du maire découle des articles L 2213-8 et L 2213-9 du CGCT, sans compter la surveillance des opérations consécutives au décès définies à l’article L 2213-14 du CGCT. Nous traiterons en premier lieu la gestion du cimetière public communal, afin d’appliquer ensuite ses principes aux différentes catégories de sites cinéraires.
Gestion courante du cimetière communal compte tenu du pouvoir de police spéciale du maire
En ce qui concerne la délégation de cette gestion du cimetière communal, le rapport du Sénat intitulé "Sérénité des vivants et respect des défunts", rédigé par les sénateurs Jean-Pierre Sueur et Jean-René Lecerf, en date du 31 mai 2006, rappelle, dans son chapitre I.A.1.a, que "Affecté à l'usage du public, le cimetière est considéré par la jurisprudence comme un ouvrage public appartenant au domaine public. Sa gestion ne peut être déléguée."
La Cour de cassation, dans son arrêt n° 93-20590 en date du 27 juin 1995, confirme cette interdiction de délégation : "Une convention d'entretien de cimetière porte sur un service de police administrative ; qu'en ne tirant pas les conséquences de la nullité d'une telle convention, la cour d'appel a violé les articles 1108 et 1128 du Code civil, ensemble le principe selon lequel la police administrative ne peut être assurée qu'en régie ; alors que, d'autre part, et en tous cas, l'objet d'un contrat doit être dans le commerce ; qu'une convention d'entretien de cimetière qui intervient dans le domaine de l'organisation de l'État est nulle faute d'objet dans le commerce".
Cette compétence du maire est affirmée par le Conseil d’État, qui condamne, dans la requête n° 69.697, Sieur Cauchoix, en date du 20 février 1946, la décision de l’élagage complet des rosiers, fusains et plantes grimpantes prise par le conseil municipal et non prise par le maire. Pour le Conseil d’État, ce pouvoir du maire résulte de l’article L. 2213-9 du CGCT qui confie au maire le maintien de l’ordre et de la décence dans les cimetières, c'est-à-dire résulte de son pouvoir de police spéciale.
C’est le mot "décence" dans cet article L 2213-9 du CGCT qui confie au maire une nouvelle tâche, en plus de la salubrité et de l’ordre publics imposés par la police générale. L’entretien du cimetière participe évidemment à sa décence. C’est donc à bon droit que le Conseil d’État a confié la gestion du cimetière au maire, bien que ce soit le conseil municipal qui décide de sa création et de son aménagement.
L’entretien du cimetière faisant partie du pouvoir de police spéciale du maire, la gestion du cimetière ne peut être déléguée et cette interdiction de délégation est rappelée par la circulaire précitée du 12 décembre 1997 : l’ensemble des opérations d’entretien (et non de création) citées ci-dessous relèvent de la gestion du cimetière et ne peuvent être déléguées à une entreprise privée.
La circulaire du ministre de l’Intérieur n° 97-211 du 12 décembre 1997 relative à la gestion des régies municipales de pompes funèbres rappelle les actes de gestion d’un cimetière communal :
- construction, réfection ou entretien de la clôture du cimetière ;
- entretien de monuments funéraires menaçant ruine en cas de défaillance des propriétaires ;
- élagage des arbres et entretien de la voirie ;
- opérations d’exhumation des restes mortels dans des sépultures en terrain commun au terme du délai de rotation, dans des concessions non renouvelées ou dans des concessions en état d’abandon ;
- translation des restes mortels de sépulture d’un cimetière désaffecté vers un nouveau cimetière ;
- construction et gestion de columbariums ;
- aménagement et entretien du jardin du souvenir ;
- construction et entretien du dépositoire et caveau provisoire ;
- gestion des concessions et des cases de columbariums.
Il est nécessaire de remarquer que le ministère de l’Intérieur, dans sa circulaire A/08/00038/C du 19 février 2008 relative à la police des lieux de sépulture, aménagement des cimetières et regroupements confessionnels des sépultures précise, dans son chapitre 2 "Les pouvoirs de police du maire", que les actes de gestion du cimetière relèvent de la compétence du conseil municipal, tout en soulignant que la requête n° 69.697 Sieur Cauchoix du Conseil d’État démontre un partage de compétences délicat entre le maire et le conseil municipal.
Toutefois, une circulaire n’est pas un document juridiquement valide devant les tribunaux et nous retenons en conséquence l’avis du Conseil d’État en date du 20 février 1946 comme preuve juridique : la création, l’agrandissement, la translation et l’aliénation du cimetière public communal, ainsi que son aménagement, sont de la compétence du conseil municipal, en revanche la gestion et l’entretien de ce cimetière public sont de la compétence du maire, dans le cadre de son pouvoir de police spéciale.
Une autre preuve de cette interdiction de délégation pour les cimetières communaux figure dans la loi du 19 décembre 2008 : l’article L 2223-40 du CGCT modifié par cette loi prévoit la gestion déléguée des sites cinéraires contigus à un crématorium, mais non pour les cimetières communaux soumis à compétence de la collectivité, ce qui exclut a contrario cette délégation pour les cimetières communaux.
Or l’étude du centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC), datée de mai 2003 et portant sur la gestion des cimetières, montre que :
- 21 % des communes de plus de 100 000 habitants ont recours aux services de sociétés d’espaces verts ;
- 11 % des villes de plus de 50 000 habitants sont intéressées par la sous- traitance du gardiennage de leur cimetière ;
- 5 % des villes de plus de 50 000 habitants sont intéressées par la sous-traitance de l’entretien de leur cimetière.
Plus grave, actuellement, de nombreux appels d’offres pour des marchés publics communaux font état de délégation pour l’entretien et le gardiennage du cimetière ou plus généralement de délégation pour l’entretien des espaces verts de la commune, y compris les cimetières, tout ceci en totale infraction avec cette police spéciale du maire.
On en conclut que plus de 50 ans après l’arrêt Sieur Cauchoix du Conseil d’État, cette jurisprudence n’est toujours pas connue et de moins en moins appliquée. Il est donc nécessaire qu’une circulaire du ministère de l’Intérieur précise cette interdiction de délégation de l'entretien d'un cimetière.
Attention au contrôle des monuments funéraires menaçant ruine qui est une compétence exclusive du maire dans la gestion du cimetière, par l’article L 511-4-1 du Code de la construction et de l’habitation, créé par la loi du 19 décembre 2008 relative à la législation funéraire.
La gestion du cimetière étant une activité de police administrative spéciale, elle est également régie par les articles L 2122-27 et L 2122-18 du CGCT concernant la seule délégation aux adjoints du maire ou aux membres du conseil municipal.
Il en découle que la gestion globale du cimetière ou du site cinéraire communal ne peut être déléguée. Seuls peuvent être délégués les travaux résultant de cette gestion : élagage des arbres par exemple ou réparation du mur nord du cimetière qui a perdu son faîtage. Ces travaux doivent respecter les procédures de marché public en fonction de leur montant, à l’exception des travaux d’urgence de soutènement d’un monument mettant en danger le public qui rend visite au cimetière. Cette délégation de travaux est reconnue par la circulaire du ministère de l’Intérieur n° 95-51 en date du 14 février 1995 relative à la législation funéraire.
Gestion courante du site cinéraire compte tenu du pouvoir de police spéciale du maire
Comme on l’a vu au point 2, le site cinéraire est un cimetière particulier qui se différencie du cimetière communal uniquement par son mode de gestion, qui peut être déléguée ou totalement privée.
La construction d’un columbarium ou l’aménagement d’un lieu d’épandage des cendres sont donc de la compétence du conseil municipal dans un cimetière communal et un site cinéraire délégué. Dans un site cinéraire privé, ces décisions d’aménagement relèvent de l’entreprise privée gestionnaire. Il en sera de même pour la création d’un caveau provisoire.
Dans le site cinéraire délégué ou totalement privé, ces pouvoirs de police spéciale du maire relatifs à la gestion du lieu ne peuvent être délégués (hors les adjoints ou un membre du conseil municipal) et restent de sa compétence. La gestion directe du cimetière et du site cinéraire par la collectivité concerne donc les actions d’entretien listées par la circulaire du 12 décembre 1997, qui ne peuvent être déléguées.
Par conséquent, le maire doit, dans un site cinéraire privé de même que dans un site cinéraire délégué, contrôler la tonte des pelouses et la taille des haies. Là encore, la compétence du maire lui est donnée par l’article L 2122-27 du CGCT et la délégation à ses adjoints ou un membre du conseil municipal par l’article L 2122-18 du CGCT.
La loi du 19 décembre 2008 est muette sur la destination des cendres à l’expiration d’une concession. Le gestionnaire du site a donc le choix entre l’ossuaire (puisque les cendres sont des restes mortels) et la dispersion sur le lieu réservé à cet usage. En vue d’éviter tout litige ultérieur, il est nécessaire que ce point figure dans le règlement intérieur du site cinéraire, ce règlement devant également rappeler les opérations funéraires soumises à habilitation.
La circulaire du 12 décembre 1997, étant destinée à tous les maires, passe sous silence les prérogatives locales qui peuvent leur être données par le conseil municipal, comme l’attribution des concessions. Ce point non cité par la circulaire dans les activités de gestion du cimetière municipal sera vu au point 6 "Délivrance des concessions".
Auparavant, il convient d’examiner les activités relevant du service extérieur des pompes funèbres dans un site cinéraire, qui donnent lieu à habilitation.
5 - Activités du service extérieur des pompes funèbres
Toute activité listée à l’article L 2223-19 du CGCT relève du service extérieur des pompes funèbres et doit en conséquence être exécutée par une entreprise habilitée, à l’exception d’une famille agissant elle-même une seule fois dans une année.
Cet article L 2223-19 du CGCT s’applique indépendamment du lieu, donc dans le cimetière communal, mais également dans le site cinéraire, qu’il soit communal, délégué ou privé. Il s’applique de même aux inhumations et exhumations en terrain privé.
Il en sera ainsi pour l’inhumation de l’urne cinéraire, que ce soit en pleine terre, en cavurne ou en columbarium.
En ce qui concerne l’exhumation de l’urne cinéraire à la demande de la famille, la jurisprudence (tribunal de Lille notamment) a statué que la sortie de caveau était une exhumation, donc soumise à autorisation du maire et effectuée par une entreprise habilitée. La procédure d'exhumation concerne également les sorties de caveaux provisoires. En revanche, la sortie de l’urne cinéraire d’un columbarium n’est pas une exhumation. Enfin, même la jurisprudence est muette en ce qui concerne la sortie de l’urne cinéraire d’un cavurne. Ces points mériteraient d’être éclaircis par une circulaire du ministère de l’Intérieur.
Dans le site cinéraire entièrement privé, son gestionnaire doit agir de même. Cela signifie qu’il doit faire appel à une entreprise de pompes funèbres habilitée, s’il ne l’est pas lui-même, pour une inhumation d’urne cinéraire ou une exhumation de caveau, toujours à la demande de la famille.
Il est rappelé que l’exhumation municipale, au terme de la concession et dans les concessions en état d’abandon, ne fait pas partie du service extérieur des pompes funèbres, contrairement à l’exhumation demandée par les familles, donc ne nécessite pas d’habilitation. Même si l’habilitation funéraire atteste une compétence certaine, elle n’est pas exigée pour les exhumations administratives.
Le délégataire gérant le site cinéraire pourra donc les effectuer si ces exhumations sont déléguées dans le contrat de délégation. Le gestionnaire du site privé les effectuera s’il le désire.
6 - Délivrance des concessions
Dans le cimetière communal, le maire doit avoir reçu délégation du conseil municipal pour attribuer les concessions, conformément à l’article L. 2122-22 du CGCT.
Conformément à la circulaire A/08/00038/C du ministère de l’Intérieur, en date du 19 février 2008 et relative à la police des lieux de sépulture, aménagement des cimetières et regroupements confessionnels des sépultures, la délégation ne peut avoir une portée générale fixant les règles de délivrance et de reprise des concessions. Ces règles sont fixées par le conseil municipal et le maire donne juste un emplacement à une famille qui demande une concession. Cette délégation du conseil municipal au maire figure à l’article L. 2122-22 du CGCT.
Comme pour les activités de police, la subdélégation du maire est fixée par l’article L 2122-18 du CGCT qui n’admet que les adjoints et les membres du conseil municipal.
De plus, le délégataire, n’ayant pas de régie de recettes qui est seule habilitée à recevoir le prix des concessions, ne peut donc ni attribuer une place de concession ni recevoir le prix de la concession.
Dans un site cinéraire public, qu’il soit communal ou à gestion déléguée, c’est le tribunal administratif qui est compétent puisque le conseil municipal a la responsabilité des conditions de délivrance des concessions, le maire n’effectuant que l’opération matérielle.
Dans le cas d’un site cinéraire privé, le gestionnaire détient tous les pouvoirs du maire et du conseil municipal : il est totalement libre pour fixer le prix des concessions et en encaisser le montant.
Seul le tribunal est modifié puisque le contrat de concession est alors un contrat de droit privé : quand le montant de la concession est supérieur ou égal à 10 000 €, c’est le tribunal de grande instance qui est compétent à la place du tribunal d’instance pour tout litige dans un site cinéraire privé.
7 - Conclusions
La question de la gestion d’un site cinéraire délégué ou privé a débouché sur le problème plus général de la gestion courante d’un cimetière communal. L’arrêt Cauchoix du Conseil d’État certifie que cette gestion appartient au pouvoir de police spéciale du maire et non au conseil municipal, lequel a cependant compétence pour la création du cimetière, des concessions, des columbariums, des haies et plantations végétales, de l’ossuaire et du caveau provisoire.
Cette jurisprudence confirme que la gestion courante du cimetière et du site cinéraire, qu’il soit communal, délégué ou privé, est une activité de police administrative dévolue au maire et à lui seul. De ce fait, les activités de police empêchent toute délégation, sauf à un adjoint ou à un membre du conseil municipal.
Pour que cette gestion courante non susceptible de délégation soit appliquée dans tous les cas, il serait nécessaire que le ministère de l’Intérieur précise dans une circulaire que l’entretien du cimetière et du site cinéraire est une activité de police spéciale non susceptible de délégation. À cette occasion, il pourrait aussi préciser la procédure de création d’un site cinéraire, la qualification de l’exhumation d’une urne cinéraire, ainsi que la destination des cendres à l’échéance de la concession.
La délivrance des concessions, fixée par l’article L 2122-22 du CGCT, est une compétence du conseil municipal dans les cimetières et les sites cinéraires communaux et délégués. Le maire ne peut la subdéléguer qu’à un de ses adjoints ou à un membre du conseil municipal.
En revanche, dans un site cinéraire privé, tous les pouvoirs attribués en matière de cimetière public au conseil municipal appartiennent à l’entreprise privée gestionnaire du site cinéraire privé. Seuls les pouvoirs de police générale et spéciale du maire ne sont pas susceptibles de délégation et restent de sa compétence dans le site cinéraire privé.
La situation des sites cinéraires est compliquée par le fait que la loi était en retard sur la création des sites cinéraires : de ce fait cohabitent des sites cinéraires à compétence communale, avec des sites cinéraires contigus à un crématorium qui peuvent être en gestion déléguée, et avec quelques sites cinéraires privés.
Enfin, lorsque les pouvoirs de police du maire seront appliqués, il est permis de s’interroger sur l’intérêt pour une entreprise d’être délégataire de la gestion d’un cimetière, dans la mesure où il appartient au maire d’appliquer ses pouvoirs de police et de passer des marchés pour bon nombre des actions matérielles d’entretien, tout en sachant que, de plus, le cimetière doit rester ouvert à toutes les entreprises de pompes funèbres habilitées.
Claude Bouriot
Extrait de la loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008 relative à la législation funéraire Article 17 |
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