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Dans sa décision n° 2024-1110 QPC rendue le 31 octobre 2024, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les mots "en l’absence d’opposition connue ou attestée du défunt" figurant au deuxième alinéa de l’art. L. 2223-4 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT).


En effet, l’absence d’obligation pour le maire d’informer les tiers susceptibles de faire connaître l’opposition d’un défunt inhumé en terrain commun ne permet pas "de garantir que la volonté attestée ou connue du défunt est effectivement prise en compte avant qu’il soit procédé à la crémation de ses restes". Le Conseil constitutionnel en conclut que les dispositions contestées "méconnaissent […] le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine".

Cependant, le Conseil constitutionnel module les effets de cette inconstitutionnalité pour concilier les conséquences de l’abrogation des dispositions censurées avec les délais nécessaires à l’éventuelle adoption d’un nouveau texte par le législateur : "L’abrogation immédiate des dispositions déclarées inconstitutionnelles de l’art. L. 2223-4 du CGCT aurait pour effet de permettre la crémation des restes exhumés lors de la reprise d’une sépulture malgré l’opposition connue ou attestée du défunt.

Elle entraînerait ainsi des conséquences manifestement excessives. Par suite, il y a lieu de reporter au 31 décembre 2025 la date de l’abrogation de ces dispositions. En revanche, afin de faire cesser l’inconstitutionnalité constatée à compter de la publication de la présente décision, il y a lieu de juger que, jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi ou jusqu’à la date de l’abrogation des dispositions déclarées inconstitutionnelles, le maire doit informer par tout moyen utile les tiers susceptibles de faire connaître la volonté du défunt du fait qu’il envisage de faire procéder à la crémation des restes exhumés à la suite de la reprise d’une sépulture en terrain commun." (Décision, § 12).

Art. L. 2223-4 du CGCT

Un arrêté du maire affecte à perpétuité, dans le cimetière, un ossuaire aménagé où les restes exhumés sont aussitôt réinhumés.
Le maire peut également faire procéder à la crémation des restes exhumés en l’absence d’opposition connue ou attestée du défunt.
Les restes des personnes qui avaient manifesté leur opposition à la crémation sont distingués au sein de l’ossuaire.


Le rendu de la décision a fait l’objet de la publication d’un communiqué de presse par le Conseil constitutionnel pour une meilleure compréhension de celle-ci reproduit ci-dessous.
 
Me Xavier Anonin
Docteur en droit - Avocat au barreau de Paris
 
Le texte intégral de la décision est disponible sur le site Internet du Conseil constitutionnel : https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2024/20241110QPC.htm

Décision n° 2024-1110 QPC du 31 octobre 2024 – Communiqué de presse

Le Conseil constitutionnel censure comme contraires au principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine des dispositions législatives relatives à la crémation des restes des défunts inhumés en terrain commun en cas de reprise de la sépulture par la commune.

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 31 juillet 2024 par le Conseil d’État d’une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’art. L. 2223-4 du CGCT, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit.

L’objet des dispositions contestées

En application des articles L. 2223-1 et L. 2223-3 du CGCT, chaque commune dispose d’un cimetière comprenant un terrain consacré à l’inhumation des morts auxquels la sépulture est due. Il résulte de l’art. L. 2223-4 du même Code que, en cas de reprise d’une sépulture par la commune, il est procédé à la réinhumation des restes exhumés dans un ossuaire aménagé ou à leur crémation.

Les dispositions contestées de ce même article prévoient que la crémation peut être décidée par le maire en l’absence d’opposition connue ou attestée du défunt.

Les critiques formulées contre ces dispositions

Il était notamment reproché à ces dispositions par le requérant de ne pas prévoir d’obligation d’informer les proches du défunt inhumé en terrain commun en cas de reprise de la sépulture et dans le cas où le maire entend faire procéder à la crémation des restes exhumés, ce qui était de nature à les empêcher de faire connaître l’opposition du défunt à la crémation. Selon lui, le législateur avait ainsi privé de garanties légales le droit au respect de la vie privée et la liberté de conscience des personnes décédées, ainsi que le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine.

Le contrôle de ces dispositions

Par sa décision de ce jour, le Conseil constitutionnel rappelle que le Préambule de la Constitution de 1946 a réaffirmé et proclamé des droits, libertés et principes constitutionnels en soulignant d’emblée que : "Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d’asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés." Il en ressort que la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d’asservissement et de dégradation est un principe à valeur constitutionnelle. Le respect dû à la dignité de la personne humaine ne cesse pas avec la mort.

À cette aune, le Conseil constitutionnel relève que, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu, afin d’assurer le respect dû à la dignité de la personne humaine, veiller à ce que soit prise en compte la volonté exprimée de son vivant par le défunt pour régler le mode de sa sépulture.

Toutefois, ni les dispositions contestées ni aucune autre disposition législative ne prévoient, dans le cas où le défunt est inhumé en terrain commun, d’obligation pour le maire d’informer les tiers susceptibles de faire connaître son opposition à la crémation.

Le Conseil constitutionnel juge que, en l’absence d’une telle obligation d’information, les dispositions contestées ne permettent pas de garantir que la volonté attestée ou connue du défunt est effectivement prise en compte avant qu’il soit procédé à la crémation de ses restes. Elles méconnaissent ainsi le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine.

Déclarant ces dispositions contraires à la Constitution, le Conseil constitutionnel relève que leur abrogation immédiate, qui aurait pour effet de permettre la crémation des restes exhumés lors de la reprise d’une sépulture malgré l’opposition connue ou attestée du défunt, entraînerait ainsi des conséquences manifestement excessives. Il juge, par suite, qu’il y a lieu de reporter au 31 décembre 2025 la date de cette abrogation.

En revanche, afin de faire cesser l’inconstitutionnalité constatée à compter de la publication de la présente décision, le Conseil constitutionnel juge que, jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi ou jusqu’à la date de l’abrogation des dispositions déclarées inconstitutionnelles, le maire doit informer par tout moyen utile les tiers susceptibles de faire connaître la volonté du défunt du fait qu’il envisage de faire procéder à la crémation des restes exhumés à la suite de la reprise d’une sépulture en terrain commun.

Par ailleurs, les mesures prises avant la publication de la présente décision ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité.

Résonance n° 209 - Novembre 2024

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