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La transmission des concessions funéraires est une matière complexe tant en raison de leur nature particulière de contrats d’occupation du domaine public que de la présence éventuelle de restes mortels. Néanmoins, une chose est sûre, ce n’est pas à l’autorité administrative, c’est-à-dire en l’occurrence le maire, de décider de son attribution ; c’est ce que nous rappelons à travers cette récente jurisprudence…


Tribunal administratif de Rouen, 12 septembre 2024, n° 2105062

Les faits : modification d’un titre de concession à la mort du fondateur par le maire

Il a été accordé par le maire de la commune de Saint-Aubin-sur-Mer à une famille une concession perpétuelle dans le cimetière communal. Le juge prend alors le soin d’énoncer que : "Par cet acte, Mme B D, fille et ayant droit de feu M. C D, s’est ainsi vu concéder un droit réel immobilier qui figurait dans le patrimoine du titulaire de la concession". Or, à la mort du fondateur, le maire modifia le titre de concession et l’attribua à un seul des héritiers.

Les règles en matière de transmission des concessions

On peut trouver plusieurs hypothèses : Le défunt a laissé un testament : dans ce cas, il convient qu’il ait mentionné le sort de sa concession funéraire dans le testament. En effet, les concessions funéraires échappent aux règles usuelles de dévolution successorale, on parle en droit notarial de bien anormal. Ainsi, s’il y a un légataire universel, il ne sera héritier de la concession que si le testament, explicitement, évoque cette dévolution, sinon ce sera comme si, du point de vue de l’héritage de la concession, aucun testament n’avait été rédigé.

C’est ce que relève explicitement le juge : "Au cas d’espèce, le testament établi par Mme F E veuve D, le 19 mai 1984, s’il institue M. A D comme légataire de la quotité disponible de la succession, ne comporte aucune disposition spécifique relative à la concession funéraire, laquelle est, par conséquent, demeurée en indivision perpétuelle entre les ayants droit, à la mort du testateur". Si, par contre, le testament prévoit le legs de la concession, la jurisprudence judiciaire fait prévaloir le plus souvent la volonté du concessionnaire légataire.

Si le concessionnaire décède sans testament, une indivision perpétuelle est créée. Le conjoint survivant ne disposant que d’un droit à être inhumé dans la concession. Les dispositions du Code civil selon lesquelles "nul ne peut être forcé de rester dans l’indivision" ne s’appliquent pas aux concessions funéraires. Toute décision concernant la concession doit recueillir l’accord de l’ensemble des indivisaires. Il est donc impossible à l’un des héritiers de se désister des obligations nées par l’indivision. Les cohéritiers ne pourront y faire inhumer leurs collatéraux ou alliés sans recueillir le consentement des autres indivisaires, mais leur famille sera dispensée de cette demande en ce qui les concerne.

De nouveau, le juge se rallie à cette position classique : "La transmission d’une concession funéraire perpétuelle relève de l’application des règles successorales législatives et réglementaires, et non d’une décision du maire de la commune concernée. À la mort du titulaire d’une concession funéraire se crée, en principe, une indivision perpétuelle entre les ayants droit, en l’absence de dispositions testamentaires spécifiant la dévolution de la concession à un ou plusieurs héritiers désignés. En outre, eu égard à son incessibilité à titre onéreux, une concession funéraire ne peut être comprise dans la quotité disponible d’une succession".

Ce jugement, extrêmement pédagogique, est alors l’occasion, d’aller un peu plus loin et d’attirer l’attention sur 2 points qui posent régulièrement un problème, celui de l’identification du concessionnaire en cas de délivrance à un couple et celui de la rétrocession.

Droit du conjoint survivant : attention à la délivrance du titre

Lorsqu’un particulier vient acheter une concession, les services municipaux devraient être vigilants quant au nom qui sera porté sur l’acte de concession. En effet, si par exemple, on indique comme titulaire "Monsieur" X, à la mort de celui-ci, Madame X, ne sera qu’une héritière parmi les autres au sein de l’indivision. En revanche, si l’acte comporte 2 deux noms : "Monsieur et (ou) Madame X", alors à la mort de l’un d’entre eux, l’autre devient le seul héritier de la concession (puisqu’elle échappe aux règles usuelles du partage, les éventuels enfants devront attendre le décès du second cotitulaire pour hériter de la concession).

Rétrocession de la concession : elle est encadrée

Le fondateur de la concession (celui qui l’a achetée) peut être amené dans certaines circonstances à proposer à la commune la rétrocession de sa concession. Cette opération est possible, si la commune le désire et aux conditions que la commune fixera. Il sera possible de reprendre gratuitement, ou bien au contraire de rembourser le fondateur au prorata des années qui restent à courir, le tout au bon vouloir de la commune.

Cette opération n’est possible que si la concession n’a pas été utilisée ou que des exhumations y ont été pratiquées, car la commune ne peut redonner à la concession que des terrains vierges de tout corps (CE 30 mai 1962, Cordier : Rec. CE, p. 358). Par contre, il semble bien que cette opération ne soit possible que pour le fondateur de la concession (Rép. min. n° 57159, JOAN Q 12 juillet 2005 p. 6909) : "Néanmoins, le conseil municipal, - ou le maire lorsqu’il a reçu délégation du conseil municipal en application de l’art. L. 2122-22 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), - demeure libre de refuser l’offre de rétrocession de la concession, obligeant ainsi le concessionnaire à respecter ses obligations contractuelles. La demande de rétrocession ne peut donc émaner que de celui qui a acquis la concession. Sont donc exclus les héritiers, tenus de respecter les contrats passés par leur auteur, soit le fondateur de la sépulture".

À la lecture de cette réponse ministérielle, on s’aperçoit, que la rétrocession d’une concession pour être légale, doit s’analyser comme une commune intention des parties de mettre fin à un contrat (on sait que la concession funéraire est qualifiée de contrat administratif par le juge depuis un arrêt Damoiselle Méline de 1957). La conséquence est que seuls ceux qui étaient partis au contrat peuvent le rompre, ce droit est ainsi reconnu au fondateur de la concession, mais pas aux héritiers.

Cependant les héritiers pourront renoncer au profit d’un seul d’entre eux aux droits et devoirs que représente pour eux cette concession (Cass. 1re civ. 17 mai 1993 : Bull. civ. I, n° 183 p. 125). Pour ce faire, encore faut-il qu’au moins l’un d’entre eux soit d’accord pour recueillir le droit des autres.
 
Philippe Dupuis
Consultant au Cridon - Chargé de cours à l’université de Lille

Résonance n° 209 - Novembre 2024

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