Cette fiche n° 5815 est issue du service documentaire "Pratique des opérations funéraires" des Éditions WEKA. Supervisé par Marie-Christine Monfort, forte de 20 ans d’expérience dans le domaine funéraire au sein de la Ville de Lille et de la Métropole européenne de Lille, et mis à jour en permanence, ce service offre une veille juridique et réglementaire et des conseils opérationnels pour tous les professionnels pratiquant le droit funéraire.

Les nécropoles modernes occupent le plus souvent un espace difficilement extensible du fait de la pression foncière, surtout en milieu urbain. Aussi l’un des enjeux majeurs de la gestion du cimetière réside-t-il dans l’optimisation rigoureuse de l’utilisation des emplacements et de leur rotation.
Pour ce faire, le maire dispose de différents outils juridiques, notamment réunis dans le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), qui sécurisent la reprise des différents lieux d’inhumation en vue de leur réaffectation.
Attention : toute reprise administrative d’une sépulture implique obligatoirement l’exhumation des défunts qui y étaient précédemment inhumés, l’emplacement devant être libre de tout corps avant de faire l’objet d’une nouvelle attribution.
La loi du 19 décembre 2008 rappelle dans son art. 12 la protection juridique dont bénéficie le corps humain même après la mort. Elle invite les responsables de cimetières à exercer une vigilance accrue lors des reprises administratives :
• Quelles sont les règles à respecter pour procéder à ces exhumations ?
• Peut-on procéder à la crémation systématique des restes mortels exhumés ?
• Que faire lorsque la superficie du cimetière ne permet pas l’aménagement d’un ossuaire ?
Dans quelles conditions procéder à l’exhumation des défunts ?
Rappel
L’inhumation en terrain commun est accordée gratuitement pour une durée de 5 années, appelée délai de rotation, aux catégories de personnes qui remplissent une des quatre conditions énumérées dans l’art. L. 2223-3 du CGCT.
Le délai de rotation peut être augmenté par décision du conseil municipal pour tenir compte de la nature des sols qui ne permet pas toujours d’assurer la décomposition totale du cadavre et contraint d’ajourner la reprise de l’emplacement pour une nouvelle durée de 5 années.
Si la superficie du cimetière le permet, le conseil municipal peut décider de concéder des parcelles de terrain (CGCT, art. L. 2223-13 à 18). À l’issue de la durée du contrat, si celui-ci n’est pas renouvelé dans un délai de 2 années après son expiration, la commune est en droit, après information préalable par tout moyen de la famille, de reprendre le terrain concédé qui, une fois vidé de tout corps, fera l’objet d’une nouvelle concession.
Il en va de même pour les concessions de longue durée (cinquantenaires, perpétuelles) qui, à l’issue d’une procédure prévue aux articles L. 2223-4, 17 et 18, R. 2223-12 à 23 du CGCT peuvent faire retour à la commune du fait de leur état d’abandon régulièrement constaté.
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Dès la reprise de la concession, l’exhumation des défunts qui y étaient inhumés est obligatoire dès lors que le terrain fait l’objet d’une nouvelle attribution. De même, les constructions présentes sur la concession (monument, caveau) doivent être retirées, sauf hypothèse où la commune procéderait à leur cession au nouveau concessionnaire.
À savoir
L’art. R. 2213-42 modifié par le décret n° 2016-1253 du 26 septembre 2016 dispose que les exhumations sont réalisées soit en dehors des heures d’ouverture du cimetière au public, soit durant ces heures d’ouverture, dans une partie du cimetière fermée au public.
Il appartient au gestionnaire du cimetière de veiller à la mise en place des protections visuelles destinées à respecter la dignité de l’exhumation et le respect dû aux défunts.
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En application de l’art. L. 2223-23 du CGCT et suivant les dispositions contenues dans la circulaire du ministère de l’Intérieur n° 97-211 du 12 décembre 1997, les personnels chargés d’effectuer ces exhumations ne sont pas soumis à l’habilitation funéraire (CE, 6/2 SSR, 11 déc. 1987, n° 72998, Commune de Contes, Rec. Lebon).
La loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 exclut cette prestation du champ des surveillances obligatoires donnant lieu à vacation. La présence d’un mandataire de la famille n’est pas prévue, la commune n’étant d’ailleurs pas tenue de communiquer sur les dates de reprises des concessions échues.
Les crémations administratives des restes exhumés
Les dispositions de l’art. L. 2223-4 du CGCT, si elles autorisent le maire à faire procéder à la crémation des restes exhumés en l’absence d’opposition connue ou attestée du défunt, ne prévoient pas l’obligation pour la commune d’informer les proches des défunts inhumés en terrain commun de l’expiration du délai de sépulture ni du fait qu’en cas de reprise de la sépulture, l’exhumation est susceptible d’aboutir à la crémation des restes du défunt.
Des requérants y ont vu une inconstitutionnalité au regard notamment de la liberté de conscience des personnes inhumées, garantie par les articles 2 et 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et ont lancé la procédure ad hoc. Le Conseil d’État avait accepté de renvoyer une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) au Conseil constitutionnel, enregistrée sous la référence n° 2024-1110.
Dans une décision publiée le 31 octobre 2024, le Conseil constitutionnel a estimé que les mots "en l’absence d’opposition connue ou attestée du défunt" figurant au deuxième alinéa de l’art. L. 2223-4 du CGCT, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, sont contraires à la Constitution.
En effet, ni les dispositions contestées ni aucune autre disposition législative ne prévoient, dans le cas où le défunt est inhumé en terrain commun, d’obligation pour le maire d’informer les tiers susceptibles de faire connaître son opposition à la crémation. En l’absence d’une telle obligation d’information, les dispositions contestées ne permettent pas de garantir que la volonté attestée ou connue du défunt est effectivement prise en compte avant qu’il soit procédé à la crémation de ses restes. Elles méconnaissent ainsi le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine (décision n° 2024-1110 QPC du 31 octobre 2024 du Conseil constitutionnel).
En l’espèce, la suppression immédiate des dispositions déclarées inconstitutionnelles ayant des conséquences excessives, le Conseil constitutionnel a jugé qu’il y avait lieu de reporter au 31 décembre 2025 la date de leur abrogation.
Attention
Afin de faire cesser l’inconstitutionnalité constatée à compter de la publication de la présente décision, il y a lieu de juger que, jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi ou jusqu’à la date de l’abrogation des dispositions déclarées inconstitutionnelles, le maire doit informer par tout moyen utile les tiers susceptibles de faire connaître la volonté du défunt du fait qu’il envisage de faire procéder à la crémation des restes exhumés à la suite de la reprise d’une sépulture en terrain commun.
Si ces nouvelles obligations ont été remplies, les services municipaux doivent se rapprocher d’un crématorium avec lequel seront convenues les conditions logistiques et financières de ces crémations.
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Attention
Il est obligatoire de faire appel à un thanatopracteur afin de vérifier l’absence ou de procéder impérativement au retrait des prothèses à pile ; ces appareils, qui présentent un risque certain d’explosion dans les appareils de crémation, n’ont vu leur retrait systématique rendu obligatoire dans le cas des inhumations que le 20 juillet 1998, par décret.
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Les restes mortels exhumés d’une même concession reprise peuvent être regroupés dans un même cercueil, dans le cas où les cercueils d’origine seraient effondrés.
Les cendres restituées à la commune seront ensuite soit disposées dans une urne et placées dans une case de columbarium, dans l’ossuaire ou dispersées dans le cimetière sur le lieu spécialement affecté à cet effet (CGCT, art. R. 2223-6 al. 3 et 9).
À savoir
Les reprises administratives relevant de l’entretien obligatoire du cimetière, l’intégralité des frais engagés pour les réaliser figure au budget général de la commune (fourniture du cercueil adapté, prestations de creusement, de démontage des monuments, etc., ainsi que le transfert éventuel vers le crématorium en cas de crémation des restes mortels).
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Le dépôt/la réinhumation dans l’ossuaire communal
La loi oblige la commune à disposer d’un ossuaire affecté à perpétuité et destiné à accueillir les restes mortels des défunts dont elle a procédé à l’exhumation administrative.
Art. L. 2223-4 du CGCT
"Les restes des personnes qui auraient manifesté leur opposition à la crémation sont distingués au sein de l’ossuaire".
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Le nom du défunt ou les références de la concession reprise (dans l’hypothèse d’un regroupement) sont indiqués sur le cercueil ou la boîte à ossements préalablement à leur dépôt dans l’ossuaire.
Un dispositif pérenne conserve l’identité des défunts inhumés dans l’ossuaire, quand bien même aucun reste mortel n’a pu être retrouvé lors de la reprise de la concession dans laquelle ils sont réputés avoir été inhumés (registre papier ou informatique, stèle gravée, etc.).
Remarque
Si une famille n’est pas fondée a priori à solliciter l’exhumation d’un défunt de l’ossuaire, elle peut en revanche récupérer à tout moment, en vue de sa réinhumation dans une concession, le corps inhumé dans le terrain commun, avant l’issue du délai de rotation et l’exhumation pour dépôt à l’ossuaire.
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À noter
Dans une décision du tribunal administratif de Nantes n° 1801255, 8 avr. 2020, la commune avait rejeté la demande d’exhumation d’un défunt déposé dans l’ossuaire après reprise de la sépulture où il reposait en partie au motif que la réglementation n’autorisait pas une telle exhumation.
Dans son exposé justifiant l’annulation de la décision de la commune, le juge administratif relève : "Aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obligation au maire de refuser la demande par laquelle un membre de la famille d’un défunt demande à disposer de ses restes mortels inhumés dans l’ossuaire aménagé à cet effet…".
La position du juge administratif ne manquera pas de plonger dans le désarroi les gestionnaires de cimetières.
Il semblerait que le maire puisse tirer argument de la fragilité des reliquaires utilisés et des difficultés de leur manipulation pour justifier son refus.
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Ossuaire unique ou ossuaires spécialisés
Avant 2000, l’ancien Code des communes, dans sa partie réglementaire, distinguait l’ossuaire "spécial", affecté aux seuls restes mortels issus des concessions à l’état d’abandon ayant fait l’objet d’une reprise.
L’ossuaire "commun" était réservé aux restes mortels issus des concessions expirées non renouvelées et à ceux exhumés des terrains communs.
Il était repris dans la partie législative du CGCT (CGCT, art. L. 2223-4).
La première catégorie d’ossuaire ayant disparu lors de la codification de la partie réglementaire du CGCT en 2000, on peut en déduire qu’il n’existe désormais qu’un type d’ossuaire dans le cimetière, d’autant que les dispositions le concernant figurent dans la partie "dispositions générales" qui s’appliquent à toutes les sépultures.
À noter
On évoque le dépôt des restes mortels exhumés des terrains communs et des concessions temporaires expirées ; cependant, on parle de réinhumation des défunts issus des concessions perpétuelles reprises en raison de leur état manifeste d’abandon.
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Notre conseil
•En ce qui concerne l’exhumation, la loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008 a inséré l’art. 16-1-1 dans le Code civil qui indique que : "Le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort. Les restes des personnes décédées, y compris les cendres de celles dont le corps a donné lieu à crémation, doivent être traités avec respect, dignité et décence".
• Les articles 225-17 et 18 du Code pénal punissent le délit de violation de sépulture et d’atteinte à l’intégrité du cadavre. Il convient donc de veiller à ce que ces opérations d’exhumation se déroulent avec respect et dignité.
• L’ossuaire est un équipement coûteux qui mobilise une superficie importante et il est possible de concilier l’obligation de le prévoir avec la sauvegarde du patrimoine funéraire en aménageant, par exemple, la crypte d’une chapelle ayant fait l’objet d’une reprise préalable par la commune ou un ancien caveau. Il convient dans ce cas de retirer toute mention de l’identité des fondateurs et de leur famille et, au titre de la laïcité, tout symbole religieux dans l’édifice.
Erreurs à éviter
Il faut absolument veiller à réaliser avec respect et dignité tout transfert de restes mortels ou d’ossements, même à l’intérieur d’une même nécropole.
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FAQ
Que doit faire le maire lorsque la superficie du cimetière ne permet pas l’aménagement d’un ossuaire ?
L’art. R. 2223-6 du CGCT indique que : "Lorsque le cimetière n’offre pas d’emplacement suffisant pour la construction de l’ossuaire visé au premier alinéa de l’art. L. 2223-4, les restes peuvent être transférés par décision du maire dans l’ossuaire d’un autre cimetière appartenant à la commune.
Lorsque la commune est membre d’un syndicat de communes, d’un district ou d’une communauté urbaine, le transfert peut avoir lieu dans les mêmes conditions sur le territoire d’une autre commune appartenant au même groupement de communes".
Une famille peut-elle récupérer le corps d’un défunt exhumé à l’issue d’une procédure de reprise avant sa crémation administrative ou son dépôt à l’ossuaire ?
Les mesures de publicité ayant été prises et diverses notifications de décision effectuées, la famille est censée s’être désintéressée du devenir des restes mortels et a définitivement perdu les droits dont elle disposait avant l’exhumation.
À titre discrétionnaire, le maire peut accorder à la famille une suite favorable à une telle demande en l’accompagnant de l’émission d’un titre de recettes correspondant aux frais de reprise et d’exhumation engagés par la collectivité.
Quels véhicules utiliser pour le transport des restes mortels exhumés (vers le crématorium ou un autre cimetière) ?
Le transport des restes mortels mis en bière se réalise à l’aide d’un véhicule agréé (CGCT, art. D. 2223-116 à 121). Notons que l’art. D. 2223-116 admet la possibilité de disposer plusieurs cercueils ou boîtes à ossements dans un même véhicule.
Que peut-on déposer dans l’ossuaire ?
Trois situations donnent lieu au dépôt de restes mortels exhumés dans l’ossuaire :
• la reprise d’une sépulture en service ordinaire au terme du délai de rotation ;
• la reprise d’une concession temporaire, trentenaire, cinquantenaire expirée et non renouvelée dans un délai de deux ans ;
• à l’issue d’une procédure de constatation d’état d’abandon.
Une précision est apportée à l’art. R. 2213-42 §4 du CGCT : "lorsque le cercueil est trouvé détérioré, le corps est placé dans un autre cercueil ou une boîte à ossements". Ce qui exclut tout dépôt en vrac ou dans des sacs (confirmé par rép. min. n° 33616 : JOAN, 8 nov. 1999).
Les urnes extraites des cases de columbarium reprises peuvent également être déposées dans l’ossuaire.
Références juridiques
• CGCT :
- art. L. 2223-13 à 18 du CGCT relatifs aux terrains concédés,
- art. L. 2223-4, 17 et 18, R. 2223-12 à 23 du CGCT déroulant la procédure de reprise des concessions à l’état d’abandon,
- art. R. 2223-6 du CGCT précisant les conditions du transfert de l’ossuaire dans une autre commune.
• Code pénal, art. 225-17 et 18 punissant le délit de violation de sépulture et d’atteinte à l’intégrité du cadavre, délits aggravés en cas de motifs religieux ou philosophiques.
• Loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 précisant l’absence de surveillance lors d’une exhumation administrative.
• Loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008, art. 11 instituant le respect dû au corps humain après la mort.
• Décret n° 2010-917 du 3 août 2010 précisant les modalités horaires des exhumations.
• Circulaire du ministère de l’Intérieur du 19 février 2008 invitant les communes à aménager des ossuaires confessionnels (§ 3.2).
• Circulaire n° 97-211 du 12 décembre 1997 du ministère de l’Intérieur.
• CE, 11 décembre 1987, n° 72998 6/2 SSR, Commune de Contes, publié au recueil Lebon et précisant l’absence d’habilitation obligatoire des agents assurant les exhumations administratives.
• Décision n° 2024-1110 QPC du 31 octobre 2024 du Conseil constitutionnel, relative à la crémation des restes mortels exhumés à l’issue du délai de rotation des terrains communs.
Marie-Christine Monfort
Transmis par Mariam El Habib
Éditrice Services à la population, WEKA
Résonance n° 213 - Mars 2025
Résonance n° 213 - Mars 2025
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