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Une famille peut-elle creuser elle-même une fosse pour inhumation dans un cimetière ? Etant donné le coût de la vie, de plus en plus de familles sont confrontées à des fins de mois difficiles et posent cette question, afin de réduire le montant des funérailles qui les prennent au dépourvu.
Les droits du concessionnaire portant occupation du domaine public semblent apporter une réponse favorable. Mais cette position pour les concessions, une fois confirmée, demandera à être examinée en ce qui concerne les terrains communs. Par ailleurs, l’éthique impose-t-elle des restrictions au creusement d’une fosse par une famille ? Enfin, les droits du propriétaire ou du locataire s’exercent dans le respect des réglementations en vigueur, ce qui rend indispensable de vérifier que le code général des collectivités territoriales (CGCT) et le règlement du cimetière n’imposent pas des contraintes supplémentaires.

1 - Cas de la concession

Il résulte du jugement du tribunal administratif de Paris, en date du 21 avril 1971, ville de Paris contre Sieurs Ribette et Manoury et Dame Ropert, qu’un contrat de concession est un contrat administratif portant occupation du domaine public, sans le caractère précaire et révocable habituellement lié aux occupations du domaine public. Le concessionnaire bénéficie d’un droit réel immobilier d’une nature particulière, selon le tribunal des conflits (arrêt François du 4 juillet 1983).

Puisque le contrat de concession lui accorde un droit réel immobilier, pour une durée limitée ou perpétuelle, la famille peut creuser elle-même une fosse ou construire son monument. Cependant, même si une famille fait ce qu’elle veut sur le terrain concédé, qui est sa quasi-propriété tellement les droits du concessionnaire sont protecteurs, elle ne peut le faire que dans le respect des lois et règlements en vigueur.

Le maire, autorité de police des cimetières (cf. article L. 2213-8 du CGCT) ne peut par conséquent s’opposer aux volontés du concessionnaire que si cette volonté porte atteinte au bon ordre, à la sécurité et à la tranquillité du cimetière, conformément à l’arrêt du Conseil d’État en date du 12 juin 1989, Commune de Saint-Georges-sur-Layon contre M. Oriou, requête n° 80.627.

Si le terrain est particulièrement sablonneux, nécessitant des mesures spéciales connues des professionnels pour protéger les monuments voisins, le maire peut alors s’opposer à ces travaux menés par une famille qui n’aurait pas l’expérience ou le matériel nécessaire.

Après nous être penchés sur la distinction entre une concession et un terrain commun, nous étudierons les restrictions apportées par le CGCT, puis par le règlement de cimetière.

2 - Distinction entre la concession et le terrain commun

La création de concessions est une prérogative du Conseil municipal (donnée par les articles L. 2223-13 et L. 2223-14 du CGCT) qui fixe ses durées possibles (temporaire, trentenaire, cinquantenaire ou perpétuelle) et les tarifs. Il n’est cependant pas obligé de les créer.

Le contrat de concession signé entre le maire ou son représentant et le concessionnaire doit stipuler que le concessionnaire entretiendra le lieu et respectera le règlement du cimetière s’il existe.

Au contraire, le terrain commun est obligatoirement mis en place dans le cimetière par les articles L. 2223-3,  L. 2213-7 et  L. 2223-27 du CGCT. Ce terrain commun est mis gracieusement à disposition des familles pour une durée minimale de cinq ans (art. R. 2223-5 du CGCT).

La gratuité de ce terrain n’exclut absolument pas le respect du CGCT et du règlement de cimetière : Le maire chargé de la police du lieu peut dresser procès-verbal et mettre la famille en demeure d’appliquer la réglementation nationale ou locale, concernant par exemple l’entretien ou l’inscription sur la sépulture.

La différence entre la concession et un terrain commun réside donc dans la durée de disposition du terrain d’inhumation, mais non dans les obligations auxquelles sont soumises les familles concernées. Par exemple, aucun texte n’interdit à une famille de faire poser un monument sur un terrain commun en vue de demander ultérieurement sa transformation en concession.

Par conséquent, le droit pour une famille de creuser elle-même une fosse sera identique quel que soit le lieu de la future sépulture, concession ou terrain commun.

Qu’il s’agisse d’une concession ou d’un terrain commun, le maire peut s’opposer à la demande de creusement d’une fosse par une famille si le sol, instable, nécessite une expérience ou du matériel dont la famille ne dispose pas. Il le fera en s’appuyant sur l’article L. 2213-8 du CGCT et en spécifiant le risque pour les monuments voisins ou la sécurité dans le cimetière. Cette mesure est évidemment indépendante des autres restrictions que peuvent apporter le CGCT ou le règlement de cimetière.

3 - Restrictions apportées par le CGCT

L’article L. 2223-19 du CGCT précise que la fourniture du personnel nécessaire à une exhumation fait partie du service extérieur des pompes funèbres, lequel est soumis à habilitation.

La circulaire n° 95-169 du 15 mai 1995 relative à l’habilitation dans le domaine funéraire confirme que le creusement des fosses fait partie du service extérieur, donc est soumis à habilitation.

Toutefois, cette même circulaire rappelle, au point 1.2.2.1, que les opérateurs concernés par l’habilitation sont ceux qui fournissent "habituellement" leurs services aux familles. Ne sont donc pas concernés par l’habilitation les opérateurs funéraires (menuisier par exemple) ni les familles qui exécutent exceptionnellement une opération funéraire, le mot "exceptionnel" devant s’entendre comme "une fois par année civile", sous réserve de l’avis des tribunaux compétents.

Le CGCT autorise donc une famille à creuser elle-même une fosse sans habilitation, dans la limite d’une fois par année civile.

4 - Restrictions apportées par l’éthique

Jusqu’ici le creusement d’une fosse par une famille a été envisagé sans qu’on se préoccupe de qui émanait la demande. Or les médias présenteront ce creusement de manière différente selon que la demande provient de la famille d’une part, ou du maire et de l’entreprise de pompes funèbres d’autre part.

Lorsque la famille demande à creuser elle-même une fosse, que ce soit pour diminuer le montant de la facture de funérailles ou pour répondre à une promesse faite au défunt, les médias ne mettent pas en exergue ce choix de la famille. Il en va tout autrement lorsque cette demande de creusement émane de l’entreprise de pompes funèbres ou du maire, ce qui arrive parfois dans le cas de famille dépourvue de ressources suffisantes. Dans ce cas, le maire de la commune du lieu de décès doit alors financer ces funérailles, conformément à l’article L. 2223-3 du CGCT.

Rappelons que les père et mère du défunt, ainsi que ses enfants, ont le devoir de pourvoir aux funérailles par les articles 205 et 206 du code civil, ainsi que par leur jurisprudence. Si la famille n’a pas les ressources suffisantes pour faire procéder aux funérailles, il revient au maire de financer celles-ci, conformément aux articles L. 2213-7 et L. 2223-27 du CGCT.

Le financement des funérailles de personne dépourvue de ressources suffisantes repose, conformément à la circulaire du ministre de l’Intérieur n° 97-211 du 12 décembre 1997 relative à la gestion des régies municipales de pompes funèbres, sur :
- Les taxes de convois, d’inhumation et de crémation lorsque le crématorium est situé sur la commune.
- Le produit des concessions funéraires.
- Le droit de séjour au caveau provisoire ou en dépositoire.
- La vente des monuments récupérés sur les concessions arrivées à échéance ou abandonnées.

Le conseil municipal décide du montant d’une ou plusieurs de ces taxes et redevances. Ce budget doit avoir été préalablement voté par le conseil municipal pour que le centre communal d’aide sociale puisse financer les funérailles des familles en difficulté matérielle.

Si le maire ou un opérateur funéraire demande à une famille de creuser la fosse pour diminuer les frais d’inhumation, cette opération est très mal jugée par les médias. En effet, à la peine morale du décès s’ajoute le travail funéraire qui remet à l’esprit toutes les difficultés de la séparation. Les médias ont alors beau jeu de reprocher au maire ou à l’opérateur funéraire leur caractère "sans cœur", d’autant plus que la réglementation a prévu le financement nécessaire.

Il importe par conséquent que les taxes et redevances aient été votées et que le budget du centre communal d’aide sociale soit suffisamment approvisionné.

5 - Restrictions apportées par le règlement de cimetière

Le règlement de cimetière s’impose à tout utilisateur du cimetière, qu’il soit professionnel ou privé. Ce règlement peut imposer la mise en place de protections prévues par le code du travail, par exemple l’étaiement des parois de terre constituant la fosse. Conformément à la jurisprudence Labonne du Conseil d’État (1919), le maire, chargé de la police du cimetière par l’article L. 2213-8 du CGCT, peut durcir la réglementation nationale.

Rappelons que le code du travail ne concerne, en France, que les employeurs et leurs employés : Les artisans, professions libérales et travailleurs indépendants n’y sont pas soumis, sous réserve d’être immatriculés au répertoire des métiers et d’exercer une activité conforme à celle déclarée. Les protections imposées par le code du travail s’imposent donc à un salarié mais non à un artisan, tout seul, qui effectue la même tâche.

En intervenant dans le cimetière, la famille agit pour son compte, au même titre qu’un artisan. Elle n’est pas tenue au respect du code du travail, comme lors des bricolages chez elle. En revanche, elle doit respecter le règlement de cimetière et toutes les mesures qu’il comprend, par exemple, l’aération mécanique d’un caveau avant d’y pénétrer.

Si le règlement de cimetière impose des mesures du code du travail, telles que des parois blindées servant à étayer les parois de la fosse, la famille devra se les procurer (prêt, location, etc.) pour pouvoir intervenir dans ce cimetière.
 
 
Conclusion
 
Si une famille peut creuser une tombe dans le cimetière, elle ne peut le faire qu’une fois par année civile. Elle doit également disposer du matériel et de la compétence exigés par le règlement de cimetière. Enfin, le maire peut s’y opposer si des risques d’endommagement des monuments voisins existent dans ce cimetière.

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations