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Du silence à la reconnaissance : pour un renouveau des métiers du funéraire

Le 2 avril dernier, dans les salons de l’Hôtel de Ville de Paris, s’est tenue la remise des premiers certificats de la formation "Technicien de convoi funéraire", une cérémonie que d’aucuns pourraient qualifier d’étape symbolique pour un secteur longtemps relégué aux marges des politiques de formation. Et pour cause, à l’instar des CQP, cet événement est venu marquer une inflexion attendue… une reconnaissance, enfin tangible, des compétences requises pour un métier aussi invisible que fondamental.

Depuis toujours, les professionnels du funéraire cheminent dans les coulisses de la vie. Ils portent les silences des familles, recueillent les dernières volontés, orchestrent l’ultime passage avec une pudeur admirable. Et pourtant, leur savoir-faire, leur savoir-être, leur engagement humain n’ont jamais bénéficié du socle de formation qu’exigerait une telle responsabilité. Trop souvent, ces métiers s’apprennent, encore aujourd’hui et malgré les CQP, "sur le tas", au gré des situations, des urgences et des imprévus. De nos jours, cette improvisation n’est plus tenable.

Le métier s’est transformé. Il ne s’agit plus seulement de transporter ou d’inhumer, mais d’accompagner, de comprendre, de rassurer. Les familles sont plus exigeantes, plus impliquées. Elles demandent des cérémonies personnalisées, une écoute attentive, un service irréprochable. Le professionnel funéraire est désormais à la croisée de nombreuses compétences dont il n’a pas systématiquement la maîtrise… Or, que reste-t-il d’un métier quand il est privé des fondements qui l’élèvent et le protègent ?

Le secteur funéraire, confronté à ces exigences croissantes, souffre d’un déficit de structuration de ses parcours de formation. Malgré l’implication remarquable des instances fédérales et syndicales de même que le travail méritoire de quelques écoles, les formations actuelles, souvent trop brèves, peinent à préparer efficacement les professionnels aux défis quotidiens. Ces lacunes allant même jusqu’à engendrer un sentiment de frustration chez les nouveaux diplômés, qui se retrouvent parfois démunis face aux attentes légitimes des familles.

Face à ces constats, il devient impératif de repenser en profondeur la formation dans le secteur funéraire. Tendre à mettre en place un socle solide, basé sur un tronc commun de matières essentielles : psychologie, éthique, gestion, hygiène, réglementation, communication, vente… un tronc commun, riche et exigeant, qui devrait irriguer l’ensemble des formations funéraires. Il ne s’agit pas de contraindre, mais d’élever… de reconnaître, enfin, que ces métiers sont des métiers de l’humain, et qu’ils méritent une formation à la hauteur de leur charge émotionnelle et sociale.

Peut-on accompagner dignement la mort sans avoir été formé à honorer la vie ? La pensée de Kant, qui nous enjoint à traiter l’humanité comme une fin en soi, résonne avec une acuité particulière dans ce domaine. Et Simone Weil, dans son exigence de compassion lucide, nous rappelle que l’attention véritable est une forme rare et profonde de générosité. Il s’agit donc, ici, de former non pas seulement des techniciens, mais des artisans de la mémoire, des médiateurs de l’adieu.

Le Conseil National des Opérations Funéraires (CNOF), instance consultative placée auprès du ministre de l’Intérieur, dont on annonce la mobilisation prochaine d’un groupe de travail sur ces sujets, a entre ses mains la possibilité d’opérer un basculement. En pensant la formation non comme une formalité réglementaire, mais comme une démarche de reconnaissance, il pourrait offrir aux métiers du funéraire la place qu’ils méritent dans notre société.

En vérité, que dit une civilisation de sa propre humanité, sinon par la manière dont elle traite ses morts et ceux qui en prennent soin ? Il est grand temps que ceux qui œuvrent dans l’ombre soient formés dans la lumière.
 
Steve La Richarderie
Rédacteur en chef

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations